Zoom sur l’anéjaculation
« Sur le plan médical, l’anéjaculation est l’absence d’émission extériorisée du sperme », explique le Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle. C’est un trouble rare.
Le terme « extériorisé » a son importance, tout particulièrement dans le cas de l’anéjaculation rétrograde : « De manière très schématique, la circulation urinaire et la circulation spermatique se croisent dans la prostate, mais il arrive parfois qu’il y ait un problème à ce carrefour, et que le sperme, au lieu de sortir à l’extérieur par l’urètre, rentre dans la vessie ». Ce type d’anéjaculation est le plus souvent la conséquence d’une chirurgie de la prostate.
Elle peut aussi concerner des hommes atteints d’une maladie neurodégénérative, d’un diabète ou résulter de la prise de certains médicaments (antidépresseurs). Chez ces hommes, toute la mécanique menant à l’orgasme fonctionne, sauf cette émission extériorisée du sperme. Ce qui n’est pas sans conséquence lorsque l’on envisage de fonder une famille. Mais des solutions existent : « On peut éventuellement récupérer le sperme dans les urines, le trier et faire une insémination. Les chances de réussite sont comparables à une insémination artificielle ou une fécondation in-vitro classique ».
Incapacité au laisser-aller
Autre type d’anéjaculation : l’anéjaculation coïtale. Dans ce cas, « il n’y a pas d’éjaculation pendant le rapport, mais il peut y en avoir dans d’autres circonstances », explique le Dr Collier. Elle va concerner des hommes incapables de se laisser aller dans le cadre d’une relation de couple. « Lorsqu’ils se masturbent, pas de problème : personne ne les regarde ni ne les juge, ces hommes parviennent donc à atteindre l’orgasme et éjaculent normalement. En couple, ils n’y arrivent pas ». Cette incapacité au laisser-aller se retrouve aussi fréquemment chez les femmes : on parle alors d’anorgasmie.
Les causes, psychologiques, sont multiples : « Inhibition centrale du vécu sexuel (blocage, ndlr), image très culpabilisée de la sexualité liée à la religion par exemple, ou une relation de couple où le pouvoir joue un rôle déterminant. Dans ce cas, ce laisser-aller est impossible, car on pense que l’on sera à la merci de l’autre ». Certaines circonstances, comme un important stress professionnel peuvent, elles aussi conduire à l’anéjaculation coïtale.
Celle-ci est alors transitoire, et réversible d’autant plus rapidement que l’on est accompagné par un sexologue, qui « réapprendra au patient à mettre de la distance par rapport à ses responsabilités professionnelles, à faire la part des choses entre le privé et le professionnel ». Les techniques de sophrologie, « pour apprendre à faire le vide dans sa tête et se concentrer sur soi-même », sont particulièrement indiquées dans ce cas.
Le poids du porno
L’anéjaculation coïtale peut également concerner des hommes qui ont connu des difficultés à contrôler leur éjaculation et qui ont basculé dans l’hyper-contrôle, jusqu’à ne plus éjaculer du tout. Ces profils se rencontrent notamment chez les gros consommateurs de vidéos pornographiques : « Le porno augmente chez eux le niveau d’excitation nécessaire pour atteindre l’orgasme, et donc éjaculer. La sexualité de couple apparaît trop banale pour amener l’excitation souhaitée ». À ces patients, le sexologue réapprendra la dimension sensorielle de la sexualité, qui inclut l’odorat, l’ouïe, le toucher… Et pas seulement le visuel, unique déclencheur de l’excitation dans le porno.
Enfin, les hommes souffrant des troubles de l’érection sont également susceptibles de connaître l’anéjaculation : « L’érection arrive, permet le début du rapport, puis s’arrête et donc empêche l’éjaculation. Toutes les causes des troubles de l’érection peuvent être responsables de troubles de l’éjaculation ». Si la cause du trouble de l’érection le permet, un accompagnement adapté permettra de résoudre le problème.
Source : Interview du Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle