Une innovation pour une maladie rare : la cryoablation des tumeurs desmoïdes

Une innovation pour une maladie rare : la cryoablation des tumeurs desmoïdes

Les tumeurs desmoïdes (fibromatoses agressives) sont des maladies rares. En France, leur incidence est estimée à 5 à 6 cas par million d’habitants, soit environ 400 nouveaux diagnostics chaque année. Elles apparaissent le plus souvent entre 15 et 60 ans, avec un pic autour de 30 ans, et concernent deux femmes pour un homme.

Les tumeurs desmoïdes, une cicatrisation incontrôlée

Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs des tissus mous (muscles, tendons, peau) que l’on appelle des sarcomes. Au sein des muscles et de leur enveloppe, les cellules fibreuses du tissu conjonctif se mettent à proliférer. Ces « fibroblastes » sont les cellules clés de la cicatrisation. Dans 85 à 90 % des cas, ces tumeurs sont dues à une mutation précise (qui active le gène de la bêta-caténine) et peuvent survenir chez n’importe quel individu. Seuls quelques cas ont une origine héréditaire (une mutation qui inactive le gène APC).

Chez les patients porteurs de ces mutations, un traumatisme ou une chirurgie (antécédents de blessure, choc, intervention chirurgicale, grossesse…) peut déclencher une cicatrisation incontrôlée, favorisant la prolifération des fibroblastes et la formation de la tumeur. Ce sont des masses dures, aux contours irréguliers, de plus de 5 cm, parfois jusqu’à 15 cm. Leur localisation est variée : à l’intérieur ou sur les parois de l’abdomen (dans les muscles grands droits ou obliques, sur cicatrice de césarienne après grossesse…), ou extra-abdominale (épaules, membres supérieurs, fessier, membres inférieurs, paroi thoracique ou dorsale, tête et cou et le plus souvent visage).

Bien que ces tumeurs ne produisent pas de métastases, elles peuvent envahir les muscles, les nerfs, les vaisseaux et les organes. Avec, à la clé, des douleurs intenses, des déficits fonctionnels et, mais très rarement, une issue fatale du fait de l’atteinte d’organes vitaux. Leur progression est imprévisible : certaines formes évoluent rapidement, d’autres restent stables ou régressent spontanément. La douleur peut être due à la compression ou à l’étirement des tissus et organes (« nociceptive »), ou neuropathique lorsqu’elles touchent des fibres nerveuses.

L’état psychologique des patients en est grandement affecté, du fait de la douleur, de la gêne fonctionnelle, du préjudice esthétique (allant jusqu’à une défiguration) et de la fatigue, fréquente et intense du fait de l’épuisement lié à la douleur chronique.

De la chirurgie à la cryoablation

Jusqu’aux années 2000, la chirurgie était le traitement de référence pour les sarcomes des tissus mous : la tumeur est retirée, avec des marges de sécurité. Le problème des tumeurs desmoïdes, très infiltrantes, est qu’elles nécessitent des marges plus larges que pour un sarcome équivalent, rendant l’intervention plus destructrice. Et même avec ces précautions, le risque de récidive locale reste élevé (15 à 50 %). D’où des interventions répétées, avec de lourdes conséquences fonctionnelles et esthétiques.

Aujourd’hui, selon la Haute Autorité de Santé, les tumeurs desmoïdes non évolutives ou asymptomatiques font l’objet d’une surveillance active. En cas de progression, un traitement pharmacologique est recommandé : chimiothérapie, hormonothérapie ou anti-inflammatoires non stéroïdiens. Quelles solutions alors en cas de progression continue ou de rechute ? C’est là tout l’intérêt de la méthode par cryoablation, dont une étude française (CRYODESMO-01) a démontré l’efficacité dans le contexte des formes extra-abdominales en progression. Dans ce premier essai (50 patients, âge moyen 41 ans), déterminant, un contrôle de la tumeur de 86 % a été obtenu à 12 mois, avec des bénéfices importants sur la douleur, l’état fonctionnel et la qualité de vie.

Comment fonctionne la cryoablation ?

Concrètement, la cryoablation, procédure mini-invasive de radiologie interventionnelle sous anesthésie générale, détruit la tumeur de façon ciblée en congelant l’eau contenue dans les cellules tumorales. L’eau gelée augmente de volume, exerce une pression sur la membrane cellulaire et provoque l’éclatement des cellules. Cette destruction tissulaire est réalisée par des aiguilles insérées directement dans la tumeur. L’argon, sous haute pression, se transforme par décompression en froid intense, formant autour de l’aiguille une boule de glace et abaissant la température jusqu’à -40 °C. Après la phase de congélation, la tumeur est réchauffée. L’ablation tissulaire est obtenue par la répétition de cycles « congélation-décongélation », chaque phase contribuant à la destruction des cellules tumorales.

La cryoablation, remboursée depuis l’été 2025

L’Assurance maladie prend en charge la cryoablation depuis le 24 juin dernier. Elle est réalisée dans plusieurs centres experts français. Le 24 septembre, la technique était à l’honneur à l’Académie nationale de chirurgie, en amont des Journées Françaises de Radiologie (octobre 2025). « La cryothérapie est désormais un traitement de deuxième ligne après échec des médicaments, explique le Dr Frédéric Deschamps, chef du service de radiologie interventionnelle à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif) et co-auteur de CRYODESMO-01. Cette technique mini-invasive, bien tolérée, permet de contrôler la maladie ».

Pour en savoir plus : SOS DESMOIDE et le réseau NETSARC, qui regroupe les centres experts de ce type de tumeur.