Trop de TDAH ne sont pas soignés en France
Le trouble « déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité » est un trouble du neurodéveloppement. Quels sont les critères pour poser le diagnostic ?
Dr Willig : Les critères diagnostiques sont précis, basés sur la DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et psychiatriques de l’Association américaine de psychiatrie) ou de la CIM11 (Classification internationale des maladies, par l’Organisation mondiale de la santé). En substance, ces critères incluent des symptômes manifestes et persistants dans la vie quotidienne, tels que l’inattention, l’hyperactivité, ou l’impulsivité. De plus, ces symptômes doivent produire un impact notable sur la vie sociale, familiale, professionnelle ou scolaire, et éventuellement médicale, de la personne concernée.
Quelles sont les règles de prescription aujourd’hui du méthylphénidate dans le contexte du TDAH chez les enfants et les adultes ?
Une fois établi un diagnostic précis avec un retentissement significatif voire sévère, les recommandations varient selon les pays. Les Anglo-saxons ont tendance à privilégier plus rapidement le traitement pharmacologique, tandis que les recommandations françaises préconisent initialement des prises en charge non médicamenteuses, sauf en cas de retentissement sévère. Certains enfants ne présentent pas un niveau de sévérité justifiant un traitement, et cela doit être évalué au cas par cas.
Quel est le pourcentage d’enfants sous méthylphénidate (Ritaline) en France ?
La question cruciale porte plutôt sur le pourcentage d’enfants qui devraient être sous traitement et qui ne le sont pas ! Des travaux sont en cours avec l’Assurance maladie en région Occitanie pour recueillir ces données. À l’échelle internationale, la prévalence du TDAH se situe généralement entre 5 et 5,5 % d’une tranche d’âge. Cependant, l’accès à la prescription varie d’un pays à l’autre. Par exemple, aux États-Unis, le taux de prescription de méthylphénidate est bien au-dessus ce pourcentage, tandis que la France se situe à environ 15 à 20 % des besoins théoriques de prescription. Autrement dit : dans notre pays, seul un enfant sur six qui nécessiterait ce traitement y accède. A cela s’ajoute une disparité considérable des prescriptions entre les départements.
Pourquoi tant de disparités ?
En premier lieu le manque de médecins sensibilisés et compétents en matière de prescription mais aussi, côté diagnostic, en raison de l’absence de filières de soins intégrant la prise en compte du trouble TDAH dans certaines régions. De plus, pour ceux sous traitement, il faut trouver un médecin chaque mois pour renouveler la prescription, celle-ci étant limitée à 28 jours. Plus récemment, les ruptures de stock entraînent des interruptions dommageables de traitement.
Les règles de prescription du méthylphénidate limitent aussi son accès. En effet, celui-ci est classé parmi les produits stupéfiants, ce qui implique une prescription sur ordonnance sécurisée. De plus, seules trois spécialités peuvent effectuer la toute première prescription et les renouvellements chaque année : pédiatres, psychiatres, et neurologues. A l’inverse, des médecins généralistes formés aux troubles du neurodéveloppement se voient privés de la possibilité de cette primo-prescription !
Un groupe d’experts à la Haute Autorité de Santé (HAS) est en cours pour proposer de nouvelles recommandations de bonne pratique médicale dans le TDAH de l’enfant. Cela pourra être suivi d’une saisine auprès de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour faire évoluer cette réglementation.