Toujours moins de don d’organes en France : comment inverser la tendance ?
Renaloo, association de patients atteints de maladies rénales, a organisé lundi 28 octobre un colloque au ministère de la Santé et de l’Accès aux soins. Nom de l’événement ? « Faire reculer l’opposition au don d’organes, une urgence éthique ».
Hasard du calendrier, le colloque était organisé une semaine après que de nombreux médias français ont relayé le cas d’un patient aux Etats-Unis qui, déclaré mort, s’est réveillé in extremis lors que l’on s’apprêtait à lui retirer ses organes. Conséquences : les inscriptions sur le registre national des refus de don d’organes ont explosé avec un bond de 10 % en 24 heures.
Etat des lieux
Au 1er janvier 2024, 21 866 patients étaient sur la liste nationale d’attente de greffe en France. Chaque jour 2 à 3 personnes sur liste d’attente meurent faute de greffon disponible. En 2023, plus de 800 patients sont décédés en attente de greffe, dont 70 % attendaient un rein. Si le taux d’opposition passait à 20 %, il n’y aurait plus de décès de patients en attente. Selon Marine Jeantet, directrice de l’Agence de biomédecine, qui a prononcé le discours d’ouverture du colloque, « l’opposition est la 1ère cause de non-prélèvement, plus des 2/3 des cas, loin devant les causes médicales. Et elle augmente, 37 % en 2024 avec des pics à plus de 50 % dans certaines agglomérations ».
Comment l’expliquer alors que 80 % des Français se déclarent favorables au don de leurs propres organes ? Pour Marine Jeantet, le refus – l’inscription par la personne sur le registre national des refus – est très rare (moins de 1 % des Français). Ce qui l’est moins, c’est l’opposition, formulée par les proches du défunt cette fois. Elle survient souvent alors que les proches ne connaissent pas la position du défunt, et, par prudence, s’y opposent. En effet, plus de 50 % des Français admettent n’avoir jamais évoqué ce sujet avec leurs proches, pourtant « le meilleur remède contre l’opposition c’est d’avoir fait part à ses proches de sa position », souligne Marine Jeantet.
L’opposition peut aussi être contextuelle : « les circonstances du décès, et plus largement la prise en charge hospitalière empêchent tout dialogue avec les proches ou conduisent l’entourage à refuser le prélèvement (non compréhension du décès, conflit avec les soignants, conflits entre les proches…) », énumère la directrice de l’Agence de biomédecine.
Encore des idées reçues
Le baromètre 2024 révélait en outre de nombreuses idées reçues. Parmi elles :
Seuls 24% des Français savent que les organes prélevés ne servent pas à la science mais servent uniquement à sauver des vies.
26 % des Français pensent que le donneur n’est pas encore décédé au moment du prélèvement d’organes. Or, le certificat de décès est établi avant même d’envisager un don d’organes et de tissus.
Seuls 6 Français sur 10 estiment que le don d’organes profite de manière équitable à toutes les catégories de la population.
Lors du colloque étaient invités des médecins espagnols afin de comprendre pourquoi là-bas, le taux d’opposition n’excède pas 15 %, ce qui fait de l’Espagne la championne du don d’organes dans le monde avec les Etats-Unis. « Si on arrivait à faire baisser de 70 % l’opposition dite contextuelle, on pourrait avoir 380 donneurs supplémentaires, soit 1 300 greffes de plus, ce qui permettrait de répondre aux besoins de santé publique ».
Le cas espagnol
Alors qu’en France, les coordinations de prélèvement n’interviennent le plus souvent qu’après le constat de décès et n’ont eu en général aucun contact préalable avec les proches du défunt, en Espagne, un suivi du patient et de ses proches est assuré dès l’admission en réanimation par un médecin formé, qui les accompagne tout au long du parcours. « La démarche du don d’organes est proposée en premier lieu par ce médecin dédié, de façon précoce, comme la suite logique et partie intégrante du soin, permettant de positiver l’échec prévisible de la prise en charge. (…) L’abord anticipé des proches est une pratique courant en Espagne depuis 2014, tandis qu’elle reste marginale en France », développe l’association Renaloo. En outre, les coordinateurs de prélèvement ne sont pas seuls face aux proches mais toujours accompagnés par des médecins (réanimateurs, urgentistes…), « ce qui renforce la confiance des proches et l’intégration des équipes dans les services ».
L’ensemble des professionnels concernés sont formés à ces problématiques dès leur formation initiale et en formation continue. Cette organisation permet notamment de percevoir le don d’organes comme un droit à être donneur et facilite la recherche quotidienne de potentiels donneurs par les équipes de coordination spécialisées qui sont intégrées dans l’établissement et le parcours de soin.
Dans son discours, Marine Jeantet propose de bannir le terme de « mort encéphalique », qui n’est pas forcément comprise et souhaite « renforcer le rôle et la mission des coordinations hospitalières de prélèvement ». Elle plaide aussi pour une véritable culture du don à l’hôpital, en informant et formant l’ensemble de la communauté hospitalière.
A l’issu du colloque, l’association Renaloo a formulé 25 recommandations pour faire reculer l’opposition au don d’organes en France ; https://renaloo.com/wp-content/uploads/2024/10/Colloque-Renaloo-28-oct-2024-Declaration-de-Paris.pdf