Tests génétiques en cancérologie : l’accès à l’innovation freinée pour motifs financiers

Tests génétiques en cancérologie : l’accès à l’innovation freinée pour motifs financiers

Sans tests génétiques en oncologie permettant de détecter la présence de mutations précises (EGFR, BRCA, HRD…) dès le diagnostic ou lors de la découverte de métastases, pas d’approche thérapeutique individualisée ni d’optimisation des soins, qui sont pourtant les conditions pour augmenter l’espérance de vie des patients.

Ces tests innovants, sont particulièrement fiables et efficaces pour certains cancers en détectant la présence d’une mutation génétique particulière ; cela est notamment vrai pour les cancers du sein, de l’ovaire, du poumon, de la prostate, du côlon, ainsi que pour les cancers rares et les leucémies. Or, malgré les preuves avérées de leur utilité et des chances de survie permises par les thérapeutiques innovantes auxquelles ils donnent accès, certains établissements ne peuvent plus ou ne pourront bientôt plus les proposer aux patients, pour des motifs notamment financiers. Un risque que dénonce un collectif de soignants de premier plan, aux côtés des patients.

Le « testing génétique », condition de la médecine de précision

« L’accès à ces tests génomiques, pierre angulaire de la médecine de précision dans le cancer, demeure limité par un cadre d’évaluation et de financement inadaptés, explique Laure Guéroult-Accolas, fondatrice et directrice de Patients en réseau et membre du collectif Testing. Certains établissements à but non lucratif en France (hôpitaux publics – Centres de lutte contre le cancer) ne pourront bientôt plus proposer ces tests aux patients atteints de cancer, pour des raisons administratives et financières. »

La Haute Autorité de santé (HAS) vient, par exemple, de rendre son avis favorable à la prise en charge dans le droit commun des panels « poumons », qui sont des tests incluant les altérations EGFR, ALK, ROS1, BRAF, RET et KRAS. Cependant, aucun mécanisme ne permet d’envisager une prise en charge dans le « droit commun » pour ces tests réalisés dans le cadre d’une hospitalisation dans le secteur public. Cette situation engendre une double frustration : pour le patient, avec une perte de chances inconcevable, et pour le médecin, qui se retrouve privé d’un outil essentiel pour le traitement, voire pour espérer la survie du patient.

Contraints de financer ces tests sur leurs fonds propres, les hôpitaux les moins bien dotés financièrement ne seront plus en mesure de les proposer aux patients.

La médecine de précision, un exemple

« Les patients attendaient avec impatience l’arrivée de traitements prometteurs tels que les inhibiteurs de PARP, destinés aux cancers du sein, de l’ovaire, du pancréas, et plus récemment de la prostate, illustre Laure Guéroult-Accolas. Ces thérapies ciblées sont quasi exclusivement réservées aux malades présentant une mutation des gènes BRCA, impliqués dans la réparation de l’ADN. Avec le test HRD, ce sont deux fois plus de patientes touchées par des cancers avancés (sein, ovaires) qui pourraient accéder aux inhibiteurs de PARP. L’absence d’accès aux tests permettant de diagnostiquer ces mutations revient donc à priver les patients de ces traitements innovants. Les grands hôpitaux publics trouveront peut-être des solutions de financement, mais les plus petits n’auront jamais les moyens de financer ces tests, ce qui va créer une iniquité d’accès à la médecine de précision. L’avenir réside dans la caractérisation de la maladie par ces tests moléculaires, permettant de proposer des thérapies ciblées. Cela change tout, tant en termes de survie que de qualité de vie et de parcours de soins. Certains patients, qui allaient mal, retrouvent une qualité de vie quasi normale, certains reprennent même le travail, ce qui est parfois assez spectaculaire. »

Pour le collectif Testing – collectif d’experts, réunissant directeurs d’établissement de santé, associations de malades, oncologues, généticiens et pathologistes -, une solution de financement adaptée doit être conçue pour un accès au diagnostic et aux traitements innovants qui en découlent. Il préconise la mise en place de forfaits complémentaires pour ces établissements.

Témoignage de Patrick, membre de Mon Réseau Cancer du Poumon (Brive-la-Gaillarde, Corrèze)

« Mon cancer du poumon a été détecté début novembre 2023 alors que je suis non-fumeur. Les différents examens sanguins et radiologiques ont révélé un adénocarcinome broncho-pulmonaire multi-métastatique. À ce stade, les médecins n’étaient pas optimistes. Puis, les résultats de ma biopsie pulmonaire ont mis en évidence une mutation génétique de type EGFR, qui me rendait éligible à une thérapie ciblée : un gros soulagement. Cette thérapie ciblée a remplacé la chimiothérapie classique et la radiothérapie. Certes, il y a eu des effets secondaires, mais le scanner de mars dernier a montré la disparition quasi complète de mes deux tumeurs pulmonaires ainsi que de mes multiples métastases. Incroyable… Même l’oncologue n’en revenait pas de l’efficacité du traitement. Ma forme est revenue progressivement, et je me sens beaucoup mieux depuis fin mai. »