Téléconsultations : pourquoi sont-elles boudées ?

Le titre du nouveau rapport de la Cour des comptes sur les téléconsultations – « Une place limitée dans le système de santé, une stratégie à clarifier pour améliorer l’accès aux soins » – annonce d’emblée la couleur.
Trop peu de téléconsultations
Les consultations à distance peinent à s’ancrer dans le parcours de soins. Remboursées par l’Assurance-maladie depuis septembre 2018, elles ont connu un pic d’usage pendant les confinements de 2020, avant de se réduire comme peau de chagrin : elles ne représentaient qu’un peu plus de 2 % des consultations libérales en 2023 soit 11,6 millions d’actes, contre 18,6 millions en 2020.
Un volume jugé insuffisant par la Cour des comptes qui identifie deux rôles aux téléconsultations : faciliter l’accès aux soins dans les zones où l’offre médicale est insuffisante et pour certains publics ciblés ; et libérer du temps médical, augmentant ainsi le nombre de patients que les médecins peuvent prendre en charge.
Un niveau bien en-deçà de ceux des pays nordiques, de l’Espagne et du Royaume-Uni
Chez les médecins généralistes, la téléconsultation ne pèse presque rien : 2,2 % des actes, contre 5,5 % en 2020. Ils font 41 fois plus de consultations classiques et trois fois plus de visites. Même constat chez les spécialistes : seules 2,1 % de leurs consultations se font à distance. Et la moitié de ces téléconsultations sont assurées par des psychiatres !
L’usage de la téléconsultation reste tout aussi marginal dans les établissements de santé : seulement 1,4 % des actes sont réalisés à distance. Des niveaux très en dessous de ceux observés dans les pays nordiques, au Royaume-Uni ou en Espagne.
Finalement, seuls les centres de santé affichent une vraie progression, portée par les plateformes dédiées : 4,2 millions de téléconsultations en 2023, contre 600 000 en 2020. Un pas de géant.
Les téléconsultations ratent leur cible
Il y a quelques années, l’explosion de la téléconsultation laissait croire à une véritable révolution des soins. En plus de s’écrouler, la pratique manque sa cible : les personnes âgées, en situation de handicap ou atteintes de maladies chroniques restent peu concernées.
Les téléconsultations étaient vues comme un outil pour lutter contre les difficultés d’accès aux soins et les déserts médicaux. Est-ce le cas ? Pas du tout ! La téléconsultation reste « essentiellement urbaine et principalement francilienne » conclut le rapport. 55 % des actes de téléconsultation sont réalisés en Île-de-France, et « le profil moyen d’un patient qui téléconsulte est jeune et très urbain ».
La pratique reste même marginale dans les déserts médicaux, où seulement 1 % des actes sont effectués dans les « zones rurales à habitat très dispersé ». Elle est également peu utilisée par ceux qui en ont le plus besoin, comme les résidents d’Ehpad ou les détenus.
Une question de mentalité
Comment expliquer ce faible recours à la téléconsultation ? Dans l’imaginaire collectif, la téléconsultation est associée à des situations de crise et non habituelles. De plus, beaucoup de médecins ont exprimé ces dernières années un certain mépris pour ce qu’ils considèrent comme une forme de médecine au rabais, de moindre qualité.
C’est aussi une histoire de génération : les médecins qui y ont recours sont généralement jeunes : ceux de moins de 40 ans réalisent ainsi 4,8 % de leurs actes, contre seulement 2,5 % pour ceux de 65 ans et plus.
Pour rendre la téléconsultation plus attractive, la Cour des comptes recommande d’autoriser dans les déserts médicaux l’usage de la téléconsultation même pour les patients ayant un médecin traitant, ce qui n’est pas possible actuellement. En effet, les actes de téléconsultation en dehors d’un parcours de soins coordonné ne sont remboursés à 100 % que si trois conditions sont réunies : l’absence de médecin traitant et d’organisation territoriale (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé, par exemple) et la résidence du patient en zone d’intervention prioritaire.