Tabac : il n’y a pas d’âge pour arrêter
Sur le plan de la prévalence du tabagisme en France, la situation s’est améliorée au cours des dernières années, passant de 30 % de fumeurs en 2000 à 25,5 % en 2020. Néanmoins, le tabagisme évolue différemment selon les classes d’âge : en 2019, 9 % des femmes âgées de 65 à 75 ans et 10,4 % des hommes fumaient. D’après Santé Publique France en 2020, 4,1 % des personnes âgées de 76 à 85 ans fumaient tous les jours.
Déclin cognitif, insuffisance cardiaque… les seniors paient leur tabagisme au prix fort
On pourrait penser que la proportion des plus de 65 ans qui fument est plutôt faible par comparaison aux autres classes d’âge. En réalité, elle est importante pour une population très concernée par ses méfaits : 70 % des décès attribuables au tabac surviennent chez les plus de 60 ans. À 70 ans, 81 % des hommes et 87 % de femmes non-fumeurs sont encore vivants, contre 55 % des hommes fumeurs et 68 % des femmes fumeuses. À 80 ans, cet écart est encore plus marqué.
Mais les conséquences du tabagisme vont au-delà d’une mortalité prématurée : sur le plan cognitif, les personnes âgées fumeuses obtiennent des résultats inférieurs aux non-fumeurs, avec un déclin des fonctions cognitives plus rapide, et plus de risque de maladie d’Alzheimer et de démence vasculaire, surtout en cas d’hypertension, de diabète ou de dépression. Le tabac chez les séniors est aussi corrélé à la survenue d’une insuffisance cardiaque. De plus, le tabagisme est un facteur de risque de mortalité postopératoire en chirurgie cardiaque chez la personne âgée (mortalité de 14,8 % contre 2,1 % chez les non-fumeurs) liée à plus de complications respiratoires.
Sevrage tabagique, tout bénéfice !
Le Dr Gilles Albrand (service de gériatrie des Hospices Civils de Lyon) reste convaincu que pour une grande partie des seniors, le sevrage tabagique est bénéfique car l’espérance de vie peut être significative. Pour lui, malgré les arguments habituels (« un petit plaisir que l’on ne peut se refuser à cet âge », « il est trop tard pour arrêter »), il faut inciter et accompagner la personne vers un sevrage.
Les arguments en faveur du sevrage sont nombreux. Entre 70 et 79 ans, arrêter de fumer réduit le risque de décès cardiovasculaire de 27 %. A ces âges, l’arrêt du tabac fait gagner des années d’espérance de vie, précise le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT). Une méta-analyse allemande chez les 50 – 74 ans a montré que le sevrage tabagique était très bénéfique et rapide même à un âge avancé, avec une réduction des conséquences cérébro-vasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, maladies cardiovasculaires). La plupart de l’excès de risque disparaît dans les cinq années qui suivent l’abandon du tabac.
Arrêter de fumer peut aussi limiter un déclin cognitif débutant, ainsi que le risque d’insuffisance cardiaque, etc. mais aussi les risques immédiats, comme ceux liés à une intervention chirurgicale. En effet, fumer perturbe le fonctionnement du système immunitaire, qui est déjà bien moins efficace à ces âges avancés, d’où un sur-risque d’infection en cas de chirurgie. Par ailleurs, du fait du tabagisme, certaines interventions chirurgicales comportent des risques accrus de complications passé 65 ans, comme des difficultés de pose d’implants dentaires, des complications postopératoires accrues en particulier en chirurgie orthopédique, des problèmes de cicatrisation, ou même de reconstruction osseuse en cas de fracture. Enfin, entamer un sevrage tabagique après 65 ans procure une meilleure qualité de vie, le souffle sera amélioré, comme le goût et l’odorat.
Comment parler sevrage tabagique avec un senior ?
C’est du cas par cas, répond le Dr Gilles Albrand. En effet, il faut être très pragmatique, en fonction du contexte clinique. Si parfois les soignants et l’entourage doivent accepter que la personne âgée continue à fumer, parfois le sevrage devient impératif. Il y a aussi plusieurs typologies de personnes âgées fumeuses, auxquelles doit s’adapter le sevrage. « Les fumeurs âgés sont principalement des fumeurs de longue date, ce qui les rend très dépendants, fait remarquer le gériatre. Cela pourrait par conséquent être plus difficile pour eux d’arrêter de fumer. Mais une autre partie de ces fumeurs âgés ont en revanche commencé à fumer plus tard dans la vie en réponse à des événements difficiles, comme la mort d’un proche, la mise à la retraite ou l’isolement. »
Les outils, comme les substituts nicotiniques et les thérapies cognitivo-comportementales, sont tout aussi utiles que chez les fumeurs plus jeunes. Il a de plus été montré que les fumeurs âgés avaient autant de chances, voire plus de chance, de réussir à arrêter de fumer que les fumeurs plus jeunes.
Pour en savoir plus : Comité national de lutte contre le tabagisme