Syndrome d’auto-brasserie : quand le corps fabrique lui-même de l’alcool
Les médias belges rapportaient l’histoire peu banale d’un automobiliste belge. Ce quarantenaire comparaissait lundi 22 avril à Bruges après avoir été contrôlé avec une alcoolémie trop élevée à deux reprises en 2022. Il a pourtant été acquitté par le tribunal. La raison ? L’homme a réussi à prouver qu’il souffrait du syndrome auto-brasserie, également appelé auto-fermentation.
Qu’est-ce que ce syndrome ?
Le syndrome d’auto-brasserie est un syndrome rare dans lequel l’ingestion d’aliments riches en glucides entraîne la production d’éthanol par les levures présentes dans le tube digestif. « Les concentrations sanguines d’éthanol retrouvées chez ces patients sont significatives, jusqu’à 4g/L, et peuvent être responsables d’une symptomatologie similaire à celle observée dans l’intoxication aiguë à l’éthanol », souligne un article publié en août 2020 dans la revue Toxicologie analytique et clinique. Le patient se trouve alors en état d’ébriété. 4 g/L correspond à des valeurs qui peuvent mener au coma éthylique, et, dans les cas les plus graves, à la mort. A moyen terme, les symptômes de l’alcoolisme chronique peuvent apparaître.
Quelles sont les causes du syndrome de l’auto-brasserie ?
Selon la revue Toxicologie analytique et clinique, ce syndrome est causé le plus souvent par une pathologie digestive ou un déséquilibre de la flore intestinal. L’Association française des diététiciens-nutritionnistes évoque des cas de diabète d’obésité et de maladie de Crohn associés. « Ce dernier peut être primaire ou secondaire à un traitement par antibactérien favorisant la prolifération des germes fongiques qui vont être responsables de la fermentation des sucres. »
Le premier cas d’auto-fermentation a été rapporté en 1948 chez un enfant de 5 ans, en Ouganda. Un autre article de Toxicologie analytique et clinique, de décembre 2020, avance plusieurs facteurs de risque s’appuyant sur une revue des rares cas connus :
La consommation excessive de glucides ;
une antibiothérapie répétée, à l’origine d’une perturbation du microbiote intestinal ;
une chirurgie abdominale ;
la prolifération des germes de la famille Candida ou Saccharomyces ;
une pathologie métabolique, gastro-intestinale ou hépatique.
Quelle prise en charge ?
Le diagnostic s’appuie sur « la recherche d’antécédents personnels et familiaux, des analyses biologiques, un interrogatoire détaillé, une endoscopie et un test de provocation aux glucides après absorption de 200 g de glucose et mesure de l’éthanolémie à différents temps ».
La prise en charge repose sur l’arrêt de l’antibiothérapie, un traitement antifongique, visant à restaurer la flore intestinale et limiter la fermentation des sucres. Le traitement est associé à une alimentation pauvre en sucres et, dans certains cas, à la prise de probiotiques. Parfois, un suivi par un addictologue est nécessaire car le patient peut développer une dépendance à l’alcool.
Comment pour l’automobiliste belge jugé lundi, le syndrome d’auto-brasserie pose des problèmes médico-judiciaires. De la simple amende à l’incarcération, les conséquences peuvent être graves pour le patient. « En raison de ses implications sociales et judiciaires, le syndrome d’auto-fermentation devrait pouvoir être envisagé chez tout patient présentant de manière régulière une concentration d’éthanol élevée qui nie avec insistance avoir ingéré de l’alcool, même s’il s’agit d’un phénomène très rare et toujours controversé », note Toxicologie analytique et clinique.