Saint-Valentin : êtes-vous addict à l’amour ?
Pour bien faire comprendre ce qu’est l’addiction amoureuse – ou dépendance affective – mais aussi que le manque est un élément constitutif du désir, le Pr Laurent Karila, psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif) utilise une image : « la frontière entre la passion et l’addamour est mince. L’amour serait une rose, l’addiction une ronce… Tout proche, en fait ! ».
Le sentiment amoureux : une drogue naturelle
Le sentiment amoureux agit comme une drogue naturelle, activant le système dopaminergique du cerveau associé au désir, à la récompense, mais aussi au manque et à la souffrance, tout comme les drogues, l’alcool ou le tabac. Si, dans un couple, une dépendance amoureuse se forme naturellement, elle peut parfois se transformer en une passion destructrice et addictive.
A l’origine, une carence affective
Souvent, les personnes ayant une dépendance affective ont connu des carences affectives, un manque d’attention, un défaut de reconnaissance, voire un choc émotionnel pendant leur jeunesse. D’où une insécurité affective à l’âge adulte. « La peur de la solitude, le manque d’estime de soi, la crainte de l’abandon, mais aussi le syndrome du sauveur sont souvent identifiés comme des causes de la dépendance affective », précise Laurent Karila.
Addiction amoureuse, les signes à repérer
Dans la dépendance affective, le couple tend à être fusionnel. La personne dépendante éprouve des doutes constants, cherchant continuellement l’approbation de son partenaire et une réassurance affective, laquelle ne suffit d’ailleurs jamais à apaiser ses inquiétudes. La personne ressent un sentiment latent de vide, d’insatisfaction, de solitude et d’insécurité, qu’elle ne peut atténuer qu’en restant proche de l’objet de ses désirs. La séparation représente un défi et la personne dépendante peut alors tolérer des comportements inacceptables tels que l’humiliation, les brimades…
Pour poser un diagnostic d’addiction amoureuse, on peut se référer aux critères de l’addiction Goodman (d’après les travaux du Dr Goodman), validés dans les addictions comportementales de manière générale. Un minimum de 5 sur les 13 critères suivants est requis pour évoquer l’addiction amoureuse :
· Une incapacité à résister à la tentation amoureuse.
· Une forte tension interne avant de rejoindre l’être aimé : la personne ne pense qu’à ça.
· Un plaisir et un soulagement lors des retrouvailles : le bonheur atteint son apogée.
· Une perte de contrôle (la personne s’abandonne complètement, ne pensant plus à rien d’autre que son addiction).
· La pensée est uniquement centrée sur le comportement addictif (toutes les pensées de la personne sont orientées vers l’être aimé, sur lui, sur les activités à faire avec lui, sur ce qu’il pense, etc.)
· Le comportement addictif devient de plus en plus fréquent, chaque épisode devenant de plus en plus long.
· Les tentatives de réduire, contrôler ou abandonner le comportement addictif sont infructueuses.
· Perte de temps liée au comportement addictif est importante.
· Le comportement addictif relègue au second plan les autres obligations (vie de famille, travail, etc.).
· Le comportement addictif surpasse les autres plaisirs.
· Le comportement se poursuit malgré les conséquences négatives (travail, famille, couple).
· Besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence du comportement pour obtenir l’effet désiré. Le besoin a pris la place du plaisir.
· Agitation, irritabilité et anxiété si le comportement ne peut être poursuivi, avec une réaction de manque similaire au sevrage des opiacés en cas de retard, d’empêchement ou de contretemps.
Comment s’en sortir ?
La condition préalable à un changement positif est de reconnaître que l’on souffre d’addiction amoureuse. « Si vous vous sentez pris dans l’addiction amoureuse et que vous ne parvenez pas à vous en sortir seul, n’hésitez pas à demander de l’aide, explique le Pr Karila. A un ami, un parent, ou à un psychologue clinicien ou un psychiatre. »
Laurent Karila délivre quelques conseils :
– Apprenez à passer du temps seul.
– Observez de manière compatissante, sans vous juger, ce que vous ressentez et vivez en votre for intérieur. L’introspection est nécessaire.
– Soyez bienveillant envers vous-même et augmentez votre propre estime.
– Identifiez les valeurs en lesquelles vous croyez, ce que vous souhaitez accomplir et ce qui compte vraiment dans votre vie.
– Arrêtez d’essayer de contrôler l’autre. Acceptez le fait qu’il a le droit d’avoir ses propres pensées, sentiments et choix, et comprenez qu’il ne vous impliquera pas toujours.