Résistance aux antibiotiques : près de 40 millions de décès d’ici 2050

Résistance aux antibiotiques : près de 40 millions de décès d’ici 2050

« La résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement », prévenait l’OMS en 2020. Une étude de grande ampleur, menée par les chercheurs du Global research on antimicrobia resistance (GRAM) project, publiée dans The Lancet lundi 16 septembre confirme que la résistance aux antimicrobiens (RAM) s’intensifie.

Selon ce travail, d’ici 2050, 39 millions de décès seront directement dus à la résistance aux antibiotiques, quand 169 millions y seront associés. Les chercheurs estiment à 1,9 million le nombre de décès liés aux infections résistantes aux antibiotiques soit une augmentation de 70 % par an d’ici 2050, par rapport à 2022. Sur la même période, le nombre de décès dans lesquels les bactéries RAM joueront un rôle augmentera de 75 % (8,22 millions par an). Les régions du monde les plus touchées sont l’Asie du Sud, l’Amérique latine, les Caraïbes, et l’Afrique subsaharienne.

Des infections plus difficiles à soigner

Les antibiotiques sont des médicaments utilisés pour traiter les infections bactériennes ; on parle de résistance lorsque les bactéries évoluent en réponse à l’utilisation de ces médicaments. Elles peuvent alors provoquer des infections plus difficiles à traiter. « Pour un nombre croissant d’infections, comme la pneumonie, la tuberculose, la septicémie et la gonorrhée et les maladies d’origine alimentaire, le traitement devient plus difficile, voire impossible parfois, du fait de la perte d’efficacité des antibiotiques », note l’OMS.  

L’étude du Lancet, révèle les tendances entre 1990 et 2021 et mesurent les impacts potentiels de la RAM jusqu’en 2050. En tout, 520 millions de dossiers individuels ont été passés à la loupe (sources hospitalières, registres des décès, données sur l’utilisation des antibiotiques…), dans 204 pays et territoires du monde. Les chercheurs se sont précisément penchés sur 22 agents pathogènes, 84 combinaisons entre pathogènes et traitements et 11 syndromes infectieux chez des personnes de tous âges.

A l’échelle mondiale, les décès dus au S.  Aureus résistant à la méticilline – souches de staphylocoques dorés qui ont développé des résistances – sont ceux qui ont augmenté le plus ; 130 000 décès en 2021 contre 57 200 en 1990.

Les 70 ans et plus sont les plus exposés

Sur la période 1990 – 2021, plus d’un million de personnes sont mortes chaque année de la RAM dans le monde, tandis que plus de 4 millions de décès lui étaient associés. Au cours de cette période, les décès dus à la RAM chez les enfants de moins de cinq ans ont diminué de 50 % tandis que ceux des personnes âgées de 70 ans et plus ont augmenté de 80 %. D’ici 2050, ce sont les personnes âgées qui resteront largement impactées par ce fléau.

Chez les enfants de moins de 5 ans, le nombre de décès devrait continuer à diminuer. « La baisse des décès dus à la septicémie et à la RAM chez les jeunes enfants au cours des trois dernières décennies est une réussite incroyable. Cependant, ces résultats montrent que si les infections sont devenues moins courantes chez les jeunes enfants, elles sont devenues plus difficiles à traiter lorsqu’elles surviennent. En outre, la menace que représente la RAM pour les personnes âgées ne fera qu’augmenter à mesure que la population vieillit. Il est temps d’agir pour protéger les populations du monde entier contre la menace posée par la RAM », a déclaré le Dr Kevin Ikuta, auteur de l’étude de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

Une menace qui s’intensifie

« Les médicaments antimicrobiens sont l’une des pierres angulaires des soins de santé modernes, et l’augmentation de la résistance à ces médicaments est une source majeure d’inquiétude. Ces résultats soulignent que la RAM constitue une menace sanitaire mondiale importante depuis des décennies et que cette menace ne cesse de croître », a déclaré l’auteur de l’étude, le Dr Mohsen Naghavi, chef d’équipe de recherche sur la RAM à l’Institute of Health Metrics (IHME), Université de Washington, États-Unis.

Les chercheurs plaident pour une meilleure prévention des infections, la vaccination, la réduction de l‘utilisation inappropriée d’antibiotiques et la recherche de nouveaux antibiotiques. Ils estiment que 92 millions de décès pourraient être évités d’ici 2050 avec une amélioration des soins contre les infections et un meilleur accès aux antibiotiques existants (associés à des recommandations sur la manière de les utiliser le plus efficacement possibles). Et si de nouveaux antibiotiques, efficaces, étaient développés contre les bactéries Gram-négatives (gastro-entérite, pneumonie, choléra, coqueluche, peste, tularémie, brucellose, salmonella…), 11 millions de décès pourraient être évités sur la même période.