Qu’est-ce que la mémoire musculaire ?
Longtemps resté à l’état d’hypothèse, le concept de l’existence d’une mémoire musculaire a été pour la première fois mis en évidence en 2018, par une équipe britannique dirigée par le Pr Adam P. Sharples, alors professeur de physiologie de la performance à la Keele University, de Newcastle en Grande-Bretagne.
Ancien joueur de rugby professionnel, ce spécialiste en épigénétique – discipline centrée sur l’évolution de l’activité des gènes – a piloté une étude singulière auprès d’un groupe de personnes sédentaires et inactives âgées en moyenne de 28 ans. Il les a d’abord entraînées durant sept semaines sur la base d’exercices de résistance (force), avant de leur imposer un arrêt étalé sur la même durée. Son constat : les niveaux de masse musculaire et de force étaient ainsi revenus à l’état initial… Puis, Sharples a rappelé ses participants à l’entraînement : toujours en résistance et toujours durant sept semaines. Au terme de ce travail, le scientifique a ainsi constaté que ses « sportifs » avaient en quelque sorte refait du muscle bien plus rapidement que la première fois. Comme si ces derniers avaient retrouvé plus vite le chemin de la croissance en s’adaptant de façon plus efficace à ce nouvel effort.
Les méthyles à la rescousse
A ses yeux, l’explication tient en un mécanisme appelé la méthylation de l’ADN, caractérisée par le fait que de petites molécules – des dérivés ‘méthyles’ – viennent se « greffer » sur l’ADN et modifier ainsi son expression. En l’occurrence ici les gènes codant pour des protéines qui renforcent les fibres musculaires. Le niveau de méthylation apparaît alors plus important lorsque l’effort musculaire en question a déjà été produit.
Ce travail confirme donc « l’existence d’une mémoire de nos muscles qui leur permettrait ainsi d’activer les bons processus d’adaptation pour élever leur niveau beaucoup plus vite que le néophyte », comme le résume dans la revue Sport & Vie, Anthony MJ Sanchez, maître de conférences Université de Perpignan Via Domitia.
La mémoire musculaire est aussi une mémoire à très long terme qui permet d’acquérir, enregistrer et utiliser des compétences motrices acquises parfois des années auparavant, comme faire du vélo ou jouer d’un instrument. « En pratiquant ces activités, la mémoire améliore nos performances jusqu’à créer des automatismes inconscients », note sur son site Internet Sébastien Martinez, champions de France de mémoire et formateur en mémorisation. A force de répétition, le cerveau est alors capable d’exécuter un enchaînement de mouvement sans avoir besoin de réflexion et concentration. Cela devient un automatisme, par l’action de la mémoire musculaire.