Pourquoi faut-il repérer tôt le TDAH chez l’enfant ?
À l’échelle mondiale, le trouble « déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité » ou TDAH touche 5 à 5,5 % de la population d’une tranche d’âge donnée. En France, le taux de prescription de son traitement disponible, le méthylphénidate (Ritaline), couvre seulement 15 à 20 % des besoins théoriques. Ainsi, environ un enfant sur six qui nécessite ce traitement parvient effectivement à y accéder. « Cette disparité découle de divers facteurs, notamment le manque de médecins compétents en matière de prescription », pointe Dr Thiébaut-Noël Willig, pédiatre spécialisé dans les troubles du neurodéveloppement et membre de la SF-TDAH), ainsi que la restriction de la première prescription et de son renouvellement annuel aux seuls spécialistes pédiatres, psychiatres, et neurologues.
Mais au-delà de la prescription, « d’autres obstacles, tels que le diagnostic, sont entravés par l’absence de filières de soins intégrant la prise en compte du TDAH dans certaines régions de la France », déplore le Dr Willig.
Les garçons plus facilement diagnostiqués que les filles
Une autre difficulté, confirmée par une étude très récente, est que s’il existe une prédominance des garçons dans le TDAH de l’enfance, « c’est probablement en raison de leur meilleure détection des symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité », relève le pédiatre. En effet, un phénomène bien connu est le profil différent du TDAH chez les femmes, caractérisé par davantage de phénomènes d’inattention et avec une volonté de faire face et de compenser. Elles passent ainsi plus souvent sous les radars. « Le diagnostic est donc souvent retardé chez les femmes, posé à l’âge adulte », confirme-t-il. D’ailleurs, lorsqu’on aborde l’âge adulte, on observe un ratio équilibré entre les sexes parmi les personnes prises en charge pour TDAH, suggérant plusieurs phénomènes dont une meilleure attention des jeunes femmes à leur santé, les jeunes hommes étant plus enclins à la rupture de soins et à la prise de risques.
Pour un adulte mieux intégré dans la société
Dans la perspective de la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement 2023-2027, « nous avons jugé indispensable de nous organiser en une entité structurée, à savoir une société rassemblant les professionnels du TDAH au sein de la Société française du trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, explique Thiébaut-Noël Willig. Celle-ci regroupe psychiatres, pédiatres, neurologues, neuropédiatres, médecins addictologues, paramédicaux, éducateurs, psychologues et pharmaciens… L’objectif est de sortir de la méconnaissance et de la stigmatisation des personnes TDAH et de promouvoir des bonnes pratiques fondées sur la science. Il s’agit également de dispenser des formations, de faciliter l’accès aux soins et d’organiser des services dans l’ensemble du territoire. »
Car le défi est de taille. Par exemple, « dans les milieux carcéraux, une étude a révélé une prévalence élevée du TDAH parmi les personnes impliquées dans des crimes violents et des délits non violents, argumente le Dr Willig. Cette sur-représentation concerne tant les hommes que les femmes. Ce constat souligne un enjeu sociétal crucial : diagnostiquer précocement pour éviter que des individus ne dérivent vers des comportements addictifs, des grossesses précoces, la criminalité, et la délinquance. » Pour le spécialiste, l’objectif n’est pas de stigmatiser une population, mais plutôt de prévenir « des catastrophes dans la vie des individus. Le repérage précoce s’avère ainsi essentiel pour prévenir les pertes d’opportunités en matière d’apprentissage scolaire, influant directement sur l’avenir de l’enfant et son intégration sociale. »