Pourquoi faire du sport peut-il (aussi) booster la mémoire ?
L’idée principale est que finalement, l’exercice physique et les processus de mémorisation sont liés ?
Robert Jaffard : Les recherches menées sur des animaux puis sur des humains montrent que l’exercice physique améliore la mémoire déclarative / relationnelle*, qui dépend en grande partie d’une région du cerveau – l’hippocampe – tout comme la mémoire épisodique et la mémoire spatiale. Cette amélioration est due aux effets de l’exercice physique sur la « neuroplasticité » du cerveau, c’est-à-dire les mécanismes par lesquels il est capable de se modifier. Cela inclut la production de nouveaux neurones, l’augmentation de la densité et de la plasticité des synapses. Une synapse est la région du cerveau où deux neurones sont en contact l’un avec l’autre et échangent des informations par la libération de substances appelés neurotransmetteurs.
Comment s’explique ce phénomène ?
La mémorisation implique une certaine plasticité des synapses. La théorie, ainsi que les observations, montrent qu’il y a mémorisation lorsqu’il y a amélioration et modification des connexions synaptiques dans certaines régions du cerveau en fonction du type de mémoire. Il a été montré que l’activité physique stimule la fabrication de nouveaux neurones et facilite la plasticité des synapses en multipliant les connexions entre les neurones. Ces phénomènes reposent sur des mécanismes moléculaires. De plus, les synapses elles-mêmes augmentent leur capacité à modifier leurs connexions de façon durable (mémoire à long terme).
Quels sont les autres processus impliqués ?
En plus d’impacter l’hippocampe, l’exercice physique améliore également le fonctionnement du cortex préfrontal chez les humains, lequel joue un rôle crucial dans l’encodage, la consolidation et le rappel des souvenirs. Par ailleurs, l’activité des muscles a été liée à des modifications dans le fonctionnement du cerveau, notamment par l’intermédiaire de la cathepsine B, une enzyme produite par la contraction musculaire qui stimule la plasticité de l’hippocampe et améliore la mémoire. Au bout du compte, le sport augmente le nombre de neurones et de synapses, améliore aussi les connexions entre les synapses, permettant à notre cerveau d’enregistrer de nouvelles informations et de les conserver sous forme de modifications synaptiques, ce qui est la base de la mémoire.
Quelles sont les conséquences pratiques de ces découvertes ?
Les recherches montrent que l’activité physique est bénéfique pour améliorer la mémoire et la plasticité cérébrale à tous les âges.
Chez les personnes âgées, les effets de l’exercice physique sont particulièrement marqués. Comparativement aux jeunes adultes, elles bénéficient davantage de l’activité physique car l’exercice physique les aide à compenser le déclin cognitif et peut même ralentir la progression des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson.
Chez les adultes jeunes ou en bonne santé cognitive, les effets sont moins prononcés, car ils possèdent déjà un potentiel cognitif et cérébral proche de l’optimum. Concernant les enfants, bien que les études sur l’impact de l’activité physique sur leur mémoire soient parcellaires, il est raisonnable de supposer que les bienfaits observés chez les adultes et les personnes âgées s’appliquent également aux enfants. L’activité physique contribue probablement à la formation et au renforcement des réseaux neuronaux et à l’amélioration de la mémoire.
Pour en savoir plus :
L’Observatoire B2V des Mémoires étudie la mémoire sous toutes ses formes : individuelle, collective, numérique… Son conseil scientifique réunit des chercheurs en neurosciences et sciences humaines.
Le podcast Mémoire, dis-moi qui suis-je ? Le podcast pour comprendre sa mémoire.
* La mémoire déclarative, ou relationnelle, se divise principalement en mémoire épisodique et mémoire sémantique. La mémoire épisodique concerne nos souvenirs d’événements spécifiques (contenu et les aspects sensoriels de l’événement, mais aussi le contexte, c’est-à-dire le lieu et le moment où cela se passe), tandis que la mémoire sémantique englobe nos connaissances générales, telles que « je sais que ». Cette mémoire déclarative ne fonctionne efficacement que lorsqu’elle est relationnelle. Cela signifie que le cerveau, via l’hippocampe, est capable de mettre en relation des informations de différentes natures.