Pénuries de médicaments : moins de ruptures de stock dans les pharmacies ?

Dans un communiqué publié le 28 mars, les industriels du médicament (LEEM) estiment, chiffres à l’appui, que les efforts déployés collectivement depuis 2023 pour limiter les tensions sur les approvisionnements en médicaments commencent à produire des résultats. Le nombre de signalements a nettement diminué, et un retour progressif à la normale s’observe pour les pathologies hivernales.

– 22 % des déclarations en 2024

Grâce aux mesures mises en place, les déclarations de risque de rupture et de ruptures ont chuté de 22 % entre 2023 et 2024. En 2024, 939 ruptures ont été déclarées, un chiffre inférieur à celui de 2019 (1 222). Le bilan du plan hivernal est également positif : au 20 mars, plusieurs restrictions ont été levées en raison de l’amélioration de la disponibilité des médicaments et de la stabilisation de la production.

L’un des symboles des pénuries passées, l’antibiotique amoxicilline, bénéficie désormais d’un approvisionnement régulier couvrant les besoins des patients, comme l’a confirmé l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans son communiqué du 25 mars 2025.

Les antibiotiques représentent la troisième classe de médicaments la plus touchée par les pénuries (classés dans les « anti-infectieux généraux à usage systémique »), avec 13 % de l’ensemble des médicaments concernés, derrière ceux du système cardiovasculaire (25 %) et du système nerveux (22 %).

« Les chiffres de 2024 s’améliorent légèrement par rapport aux années précédentes, preuve que certaines actions commencent à porter leurs fruits, commentait Alban Dhanani, directeur adjoint (Direction médicale Médicaments 2) à l’ANSM au congrès de pneumologie (CPLF 2025) en janvier dernier. Par exemple, en 2024, il n’y a pas eu de tension sur l’amoxicilline, au contraire de certaines formes d’un autre antibiotique, la clarithromycine ». Cependant, les signalements de ruptures et de risques de rupture de stock restent élevés pour les anti-infectieux : 3 745 en 2024, après un pic à 4 925 en 2023.

A quoi sont dues les ruptures de stock ?

Les causes sont multiples : mondialisation de la production, fragmentation et complexification de la chaîne de fabrication et de distribution et augmentation de la demande à l’échelle mondiale. « Ce système fragilisé souffre de capacités de production insuffisantes, précisait Alban Dhanani, mais aussi de difficultés liées aux outils de fabrication et même de défauts d’approvisionnement en matières premières, dans un contexte de hausse de la demande en produits pharmaceutiques et d’augmentation des ventes. »

Des mesures indispensables….

Pour faire face à ces pénuries de médicaments, la France a mis en place depuis 2012 une série de mesures, notamment la création en 2016 de la catégorie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et, en 2021, l’obligation pour les industriels de constituer des stocks.

La législation française, parmi les plus avancées en Europe, a conduit à l’adoption d’une charte d’engagement des acteurs de la chaîne du médicament, applicable à tout médicament en tension.

Concernant le problème des ruptures de stock en antibiotiques, un « plan hivernal » a été mis en place. Ces mesures ont notamment permis la levée, début février 2025, de la restriction concernant l’antibiotique rifampicine, après à la reprise de la production par uneusine italienne et à la reconstitution des stocks.

… mais encore insuffisantes

À l’avenir, les autorités sanitaires travaillent sur « l’amélioration des outils de détection des signaux de tensions en provenance du terrain pour garantir une plus grande réactivité », indique Alban Dhanani. A ce sujet, les industriels du médicament poursuivent le déploiement de leur outil de suivi TRACStocks (1 698 références de médicaments), qui permet, sous l’égide de l’ANSM, d’anticiper et de mettre en place des mesures appropriées.

L’objectif est aussi de réduire la dépendance aux importations extra-européennes. Un autre est de renforcer la coopération entre les pays européens. Le LEEM plaide d’ailleurs pour une liste européenne harmonisée des médicaments critiques, afin « d’éviter la fragmentation actuelle et de mieux coordonner les stratégies de prévention des pénuries ».

Mais lutter contre les pénuries de médicaments n’est pas si simple. Pour le LEEM, une approche pragmatique des stocks de sécurité s’impose : l’augmentation systématique des stocks imposée aux industriels (+ 77 % depuis 2021 pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, avec une exigence de quatre mois de stock) ne constitue pas selon les industriels une solution durable. Ils pointent le fait qu’elle ne prend pas en compte les contraintes pharmaceutiques et industrielles, qu’il s’agisse des coûts ou de l’espace nécessaire, et qu’elle peut fragiliser certaines entreprises.

En avril 2023, une campagne de contrôle avait mis au jour un manquement de certains fabricants : 11 avaient été sanctionnés pour un montant de 8 millions d’euros.