Parler aux aînés comme à des enfants : pourquoi faut-il éviter l’elderspeak ?
L’elderspeak ? « A vrai dire, nous n’utilisons pas beaucoup ce mot », note Sandrine Paris, psychologue clinicienne spécialisée dans le vieillissement. « Il n’empêche que c’est une situation que l’on rencontre fréquemment en milieu gériatrique ».
Mots simples, débit lent…
De façon concrète, l’elderspeak, correspond à « une manière de parler aux personnes âgées, comme si elles étaient des enfants », poursuit-t-elle. Avec l’emploi de « mots beaucoup plus simples, d’un vocabulaire beaucoup moins riche. L’on va également avoir tendance à parler plus lentement, voire plus fort, alors que ce n’est pas forcément nécessaire ». Le ton peut aussi s’avérer « mielleux de façon un peu exagérée, un peu protecteur ». Sans oublier le recours parfois à des expressions plus familières : « ma chérie », « ma belle », voire au tutoiement.
Mal reçu…
Ce mode de communication se rencontrerait davantage au sein des Ehpad que dans les unités d’hospitalisation. Sandrine Paris tient toutefois à préciser qu’il n’est « jamais malveillant. Il part toujours d’une bonne intention, afin de se montrer à la fois gentil et rassurant et pour créer un lien de confiance avec la personne âgée ». Problème : celle-ci ne le perçoit pas toujours de cette façon…
Des conséquences réelles
A tel point que l’elderspeak peut entraîner des conséquences négatives pour les séniors. Au moins trois que Sandrine Paris identifie :
- déconsidérer la personne âgée : « avec un sentiment de dévalorisation de soi, de perte d’estime, au point de renforcer, lorsqu’elle est présente, cette fragilité» ;
- engendrer une moindre envie d’être autonome. Sandrine Paris explique le mécanisme : « on me parle comme un enfant, je vais me laisser faire comme un enfant et la conséquence directe serait effectivement le fait que la personne ose de moins en moins demander quelque chose ou réaliser des gestes du quotidien, par elle-même».
- diminuer la communication : « si la personne âgée se sent infantilisée, elle va simplement arrêter de parler». Avec un impact sur la relation soignant-soigné puisque ce retrait de la parole peut entraîner une certaine méfiance envers le soignant. La personne âgée peut alors devenir moins coopérative, jusqu’à considérer le soignant comme une personne d’autorité, plus que d’aide. « La qualité des soins peut ainsi s’en trouvée influencée », analyse la psychologue.
Un enjeu de dignité
Et Sandrine Paris de conclure : « parler aux personnes âgées comme à des adultes permet de respecter leur dignité, d’améliorer leur sentiment de bien-être et, finalement, d’avoir un impact positif sur la qualité de soins. Le plus simple, c’est d’avoir une communication individualisée et respectueuse ».