Nausées et vomissements de la grossesse, ce n’est pas dans la tête !
La perte de poids importante, parfois plus d’une dizaine de kilos, l’incapacité à boire et à s’alimenter, la fatigue extrême, les nausées constantes et/ou les vomissements incontrôlables (jusqu’à cinquante fois par jour) peuvent entraîner une hospitalisation. L’hyperémèse gravidique est la forme sévère des nausées et vomissements de la grossesse. Cette situation affaiblit les femmes au point qu’elles ne sont plus en mesure d’assurer leurs responsabilités quotidiennes, tant familiales que professionnelles. Pourtant, ce mal-être physique et psychologique est souvent minimisé, alors même qu’il peut conduire certaines femmes à envisager l’IVG ou à renoncer à une grossesse future. Si « la grossesse n’est pas une maladie », certaines femmes sont réellement malades et doivent être soignées. Or, les difficultés rencontrées par ces femmes dans la prise en charge sont courantes, et celle-ci est souvent hétérogène sur le territoire. Afin de remédier à cette situation, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a élaboré des règles de bonne pratique en matière de prise en charge de l’hyperémèse gravidique.
35 % des femmes enceintes ont des nausées et des vomissements invalidants
« Il faut être perspicace et savoir repérer parmi les 50 à 90 % de femmes qui ressentent les nausées et vomissements du début de grossesse, les formes plus sévères que constituent les nausées et vomissements gravidiques et le stade ultime : l’hyperemesis gravidarum (hyperémèse gravidique) », explique le Pr Philippe Deruelle gynécologue-obstétricien au CHU de Montpellier. Chez environ 35 % des femmes, les nausées et vomissements de la grossesse sont en effet très invalidants. Et pour 0,3 à 3,6 % des grossesses, ces vomissements sont incoercibles et constituent la principale cause d’hospitalisation au 1er trimestre de la grossesse. « Une idée fausse encore trop répandue est que les nausées et vomissements de la grossesse, c’est dans la tête. Non, c’est avant tout une maladie hormonale ! réfute le spécialiste. Il faut donc repérer les symptômes, et traiter ces femmes en souffrance. »
Des critères pour reconnaître les formes graves
Selon les experts, l’hyperémèse gravidique se différencie des nausées et vomissements courants pendant la grossesse par des critères spécifiques, lesquels incluent une perte de poids supérieure à 5%, des signes de déshydratation (soif intense, une baisse de la pression artérielle en position debout, accélération du rythme cardiaque, etc.), ou un score PUQE (questionnaire Pregnancy Unique Quantification of Emesis and nausea modifié) dépassant 7. Dans les cas les plus graves, une hospitalisation est même nécessaire (-10 % de perte de poids, déshydratation, score PUQE supérieur à 13, et un ensemble de paramètres biologiques comme les taux de potassium, sodium et créatinine).
Des solutions pour soulager existent
« Les médicaments peuvent être d’une grande aide pour atténuer les symptômes des nausées et vomissement gravidiques, rassure le Pr Deruelle, à commencer par l’association doxylamine-pyridoxine qui soulage dans environ 60 % des cas. » D’autres options de seconde ligne existent.
Pa ailleurs, il n’y a aucune preuve qu’une modification alimentaire spécifique soit efficace pour réduire les nausées et vomissements. La prise de vitamines prénatales et de suppléments de fer doit être stoppée, mais il est important de continuer à prendre de l’acide folique. Il est fortement déconseillé d’utiliser l’aromathérapie.
Aucune cause psychosomatique démontrée
« Certaines pratiques héritées du passé, basées sur des théories psychanalytiques, dont on sait qu’elles sont fausses, persistent aujourd’hui dans de petites structures », déplore le Pr Deruelle, comme retirer les bassines aux femmes, ou l’isolement en cas d’hyperémèse gravidique (laisser la femme dans le noir, la priver de moyens de communication et de visites…). « Aucune cause psychosomatique n’a été prouvée ! » insiste-t-il. Au lieu de cela, il encourage activement le soutien psychologique et l’orientation des femmes vers des associations de patientes. Il met en garde également sur l’importance d’une approche proactive pour prévenir l’aggravation des signes, sans attendre 48 à 72 heures, comme c’est trop souvent le cas.
Des mécanismes physiopathologiques qui se concrétisent
Les causes de l’hyperémèse gravidique ne sont pas totalement comprises, mais elles semblent impliquer plusieurs facteurs, dont des variations hormonales, comme celles de l’hCG, des hormones thyroïdiennes, du cortisol, des œstrogènes et de la progestérone, mais aussi du Growth Differentiation Factor 15 (GDF15), lequel est retrouvé habituellement à des concentrations élevées dans le sang des femmes enceintes. Concernant ce dernier, une publication de fin 2023 dans la revue Nature établit que des niveaux réduits de GDF15 avant la grossesse conduisaient à une hypersensibilité des femmes à des concentrations ensuite élevées de GDF15 libérées pendant la grossesse. D’où deux pistes thérapeutiques qui vont être explorées : « désensibiliser » les femmes au GDF15 en augmentant les niveaux avant la grossesse ou bloquer son action pendant la grossesse.
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