Médicaments pris par le père : quels risques pour l’enfant à naître ?
Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT) est une structure publique indépendante de l’industrie pharmaceutique. Elle est financée par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Sa mission : informer les professionnels de santé sur les effets tératogènes de certains médicaments, vaccins et les addictions, pendant la grossesse – que l’exposition soit maternelle et/ou paternelle – et l’allaitement. Son site internet est ouvert au public.
Pour précision, un effet tératogène désigne la capacité d’une substance à provoquer des malformations ou des anomalies dans le développement d’un fœtus pendant la grossesse.
La consommation médicamenteuse chez le futur père, une préoccupation grandissante
La prise de médicaments par le futur père est devenue une préoccupation croissante : elle représentait 10 % des questions posées aux experts du CRAT en 2023, contre 3 % en 2013.
Les risques liés aux traitements chez l’homme incluent des perturbations de la sexualité (troubles de l’érection, de l’éjaculation, et de la libido) et une altération de la fertilité. Un impact sur la descendance peut exister, notamment en raison du passage potentiel de substances par voie vaginale, avec des risques de toxicité au niveau des gènes (génotoxicité). Certaines molécules peuvent être mutagènes c’est-à-dire induire des mutations génétiques. Elles peuvent éventuellement être clastogènes, lorsqu’elles augmentent les risques de cassures chromosomiques et d’altérations de l’ADN. La tératogénicité, ainsi qu’un retard de croissance intra-utérin, ou une prématurité, sont aussi surveillés, tout comme les troubles du neurodéveloppement chez l’enfant.
Un tiers des hommes exposé à un médicament 6 mois avant la conception
Une étude américaine a relevé qu’entre 2011 et 2020, un tiers des pères a reçu un traitement dans les trois à six mois avant de concevoir un enfant : 8,6 % l’étaient aux psychotropes, 7,2 % aux antibiotiques, 6,8 % aux analgésiques et 5,6 % aux antihypertenseurs.
De nombreuses classes thérapeutiques ont été examinées en détail par les experts du CRAT, et globalement, la prise de médicaments par le père avant ou pendant la grossesse ne semble pas poser de problèmes particulièrement préoccupants.
En ce qui concerne les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, qui sont très utilisés, comme la sertraline (Zoloft) ou la paroxétine (Deroxat), ils ne présentent pas de risque de toxicité pour les gènes. Sur plus de 1 000 grossesses où le père était traité par ces molécules, aucune malformation ni trouble du neurodéveloppement n’a été constaté chez la descendance. Par conséquent, leur usage prolongé n’est pas jugé problématique par le CRAT. En cas de troubles sexuels sous traitement, parlez-en avec votre médecin.
Concernant les antidiabétiques, en particulier les analogues du GLP-1, d’utilisation courante comme le sémaglutide (Ozempic), le liraglutide (Saxenda, Victoza) ou encore le dulaglutide (Trulicity), aucune alerte n’a été signalée à ce stade. Ces médicaments ne sont pas génotoxiques et n’entraîneraient pas d’atteinte à la fertilité.
Pour les inhibiteurs calciques, prescrits contre l’hypertension artérielle, les troubles du rythme cardiaque, etc., des anomalies au niveau des spermatozoïdes ont été observées in vitro et chez l’animal, mais ces effets sont réversibles. Les experts recommandent de se poser la question de leur responsabilité si des troubles de la fertilité apparaissent chez les hommes sous traitement, mais ne jugent pas la situation préoccupante.
En ce qui concerne l’isotrétinoïne (Roaccutane), bien connue pour ses effets tératogènes lorsqu’elle est prise par la mère pour traiter l’acné, elle ne semble pas poser de problème chez l’homme.
Quant au valproate de sodium, prescrit dans l’épilepsie (Dépakine, etc.) ou les troubles bipolaires, il peut altérer le nombre et la mobilité des spermatozoïdes, mais ces effets sont réversibles à l’arrêt du traitement. Les experts, rassurants, s’appuient sur des études portant sur plus de 1 000 enfants nés de pères traités. Par conséquent, un homme peut concevoir sous traitement sans surveillance particulière. Toutefois, en cas de troubles de la fertilité, il est recommandé d’en discuter avec son médecin.