Médicaments : les industriels pointent les faiblesses françaises
On entend souvent des annonces de rupture de stock de médicaments, des associations de patients lutter pour que certaines spécialités pourtant autorisées depuis des années par l’Agence européenne du médicament soient enfin disponibles en France comme c’est le cas dans de nombreux autres pays européens, et ce dans des maladies aussi courantes que la migraine, le diabète, etc. Ou encore que la France est à la traîne en matière d’innovation pharmaceutique. Mais finalement, quelle est la réalité ? Le Baromètre de l’attractivité de la France pour les entreprises du médicament qui paraît aujourd’hui 18 juin, réalisé par les Entreprises du Médicament (Leem), a fait le point, fournissant quelques chiffres marquants qui montrent qu’il est possible d’améliorer la situation.
Disponibilité des médicaments, on fait le point
Malgré des investissements en matière de recherche et de développement en hausse, une dynamique de l’emploi positive et une transition écologique largement engagée quelques points noirs persistent, et ce sont les patients qui en paient le prix.
– La disponibilité des médicaments est inégale en Europe : 37 % des nouveaux médicaments autorisés en Europe entre 2019 et 2022 n’étaient toujours pas disponibles en France au 31 décembre 2023, contre seulement 12 % en Allemagne. Les patients allemands, anglais et italiens bénéficient des médicaments plusieurs mois avant les patients français (hors « accès précoce »).
– La France n’exploite pas son plein potentiel d’innovations, comme en témoigne la stagnation au 3e rang des puissances européennes en matière d’essais cliniques, en raison de délais administratifs plus longs et une difficulté à inclure les patients français. Le recul est encore plus marqué dans certains domaines thérapeutiques. Ceci accentue la perte de chance pour les patients, du fait d’un accès retardé aux dernières innovations.
– L’accès précoce fonctionne. Il s’agit d’un dispositif qui permet à des patients en impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de certains médicaments non autorisés dans une indication thérapeutique précise. Cependant, pointe le Leem, cet accès précoce est restreint réglementairement aux maladies les plus sévères. Plus du tiers des nouveaux médicaments (37 %) ne passent pas par cette procédure dérogatoire et sont confrontés à de longues négociations par rapport à l’objectif européen, voire à des situations de blocage. Depuis sa mise en place en 2021, l’accès précoce n’a bénéficié qu’à 100 000 patients, alors que 13 millions de Français souffrent actuellement d’affections de longue durée (ALD).
– En dehors des procédures dérogatoires spécifiques pour permettre d’accéder plus vite à certaines thérapeutiques médicamenteuses, les délais d’accès moyens à une innovation médicamenteuse s’allongent pour les patients : 527 jours en moyenne en 2023 contre 508 jours en 2022.
Quid de la situation de l’industrie pharmaceutique en France ?
Unanimement, les industriels du médicament regrettent que le cadre réglementaire français soit instable, décourageant l’investissement. Par exemple, en seulement 8 ans, les modalités d’accès précoce ont été modifiées 7 fois.
De plus, moins d’un nouveau médicament sur dix est produit en France, contre 1 sur 4 en Allemagne. Dans le même temps, la balance commerciale de la France a été divisée par huit entre 2022 et 2023.
Par ailleurs, l’« effet ciseau » est pénalisant, estiment les industriels. Celui-ci existe lorsque les prix, en l’occurrence ici ceux des médicaments, sont bas alors que la fiscalité sur les entreprises productrices est élevée. La fiscalité sur les industries pharmaceutiques en France est d’ailleurs la plus élevée d’Europe, pour des prix imposés en moyenne inférieurs de 10 % à ceux des pays européens comparables. Le secteur pharmaceutique est taxé à 60 % de son résultat. Par exemple, l’Allemagne, dont la fiscalité spécifique au médicament est deux fois moins élevée (88 % de prélèvements spécifiques au secteur en France), affiche un solde commercial 60 fois supérieur à celui de la France.
Autant de leviers sur lesquels agir. Notamment, l’Agence de l’innovation en santé mène des travaux pour accélérer le développement et l’appropriation par les acteurs des nouvelles méthodologies en essais cliniques afin d’accélérer le développement des produits de santé.