Maladie d’Alzheimer : la caféine comme piste de traitement ?
La maladie d’Alzheimer se manifeste par des troubles de la mémoire, des fonctions exécutives et de l’orientation. Elle résulte d’une dégénérescence des neurones, débutant dans l’hippocampe puis s’étendant au reste du cerveau. Les patients présentent alors deux types de lésions microscopiques : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires, qui contribuent au dysfonctionnement et, in fine, à la disparition des neurones.
Point de départ : l’expression anormale des récepteurs A2A dans le cerveau
Des recherches antérieures avaient révélé une augmentation de l’expression de certains récepteurs, précisément les récepteurs de l’adénosine de type 2A (A2A) localisés au niveau des synapses, dans l’hippocampe des malades. La synapse permet la transmission de signaux électriques ou chimiques entre les neurones ou entre un neurone et une cellule musculaire ou glandulaire.
Cependant, l’impact de cette dérégulation sur le développement de la maladie d’Alzheimer et les troubles cognitifs restait une énigme. Dans une nouvelle étude parue ce jour, des chercheurs de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’Université de Lille ont mis en évidence que l’augmentation pathologique de certains récepteurs dans les neurones (dont les fameux A2A), au moment du développement de la maladie, favorise la perte des synapses et, par conséquent, le développement précoce des troubles de la mémoire dans un modèle animal de la maladie.
Leur publication confirme que l’augmentation des récepteurs A2A favorise la perte des synapses dans l’hippocampe des « souris Alzheimer », déclenchant ainsi des troubles précoces de la mémoire. Mais ils ont également montré que le dysfonctionnement des cellules microgliales – responsables de l’inflammation cérébrale – pourrait contribuer à cette perte de synapses.
« Ces résultats suggèrent que l’augmentation d’expression des récepteurs A2A modifie la relation entre les neurones et les cellules microgliales. Cette altération pourrait être à l’origine d’une escalade d’effets entraînant le développement des troubles de la mémoire observés », explique Émilie Faivre, co-dernière autrice de l’étude
Et c’est là que la caféine entre en piste…
La caféine pour prévenir le déclin cognitif à un stade précoce ?
Diverses recherches avaient soulevé par le passé le fait que boire régulièrement du café (2 à 4 tasses par jour) pouvait retarder le déclin cognitif associé au vieillissement mais aussi réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs avaient alors démontré que les effets de la caféine étaient attribués à sa capacité à inhiber l’activité des récepteurs adénosinergiques A2A, dont l’expression est anormalement élevée dans le cerveau des individus atteints de la maladie d’Alzheimer, comme on vient de le voir.
David Blum, chercheur Inserm au centre de recherche Lille Neuroscience et Cognition, qui a dirigé l’étude, explique : « en décrivant le mécanisme par lequel l’augmentation pathologique de l’expression des récepteurs A2A entraîne une cascade d’effets conduisant à une aggravation des troubles de la mémoire, nous confirmons l’intérêt de pistes thérapeutiques qui pourraient agir sur cette cible. Nous mettons donc encore une fois en avant l’intérêt de tester la caféine dans le cadre d’un essai clinique sur des patients atteints de formes précoces de la maladie. En effet, on peut imaginer qu’en bloquant ces récepteurs A2A, dont l’activité est augmentée chez le patient, cette molécule puisse prévenir le développement des troubles de la mémoire voire d’autres symptômes cognitifs et comportementaux. »
D’ailleurs, un essai clinique de phase 3, nommé CAFCA, est mené en ce moment par le CHU de Lille (début avril 2021). Il évalue l’impact de la caféine sur les fonctions cognitives de patients atteints de formes précoces à modérées de la maladie d’Alzheimer.
Au total, 248 patients seront recrutés à terme dans 20 centres mémoire des Hauts de France et des CHU de Rouen et Caen, 146 sont déjà inclus.