Les bullshit jobs ou le profond sentiment d’inutilité au travail
L’expression bullshit jobs a été théorisée dans un ouvrage éponyme qui date de 2018, par David Graeber, un anthropologue américain. Celui-ci n’y va pas par quatre chemins : un job à la con correspond à « un boulot si vide de sens que même la personne qui l’exécute jour après jour ne parvient pas à trouver un seul motif valable de le faire », écrit-il. Et de poursuivre : « ces jobs se caractérisent par le fait que leur disparition ne ferait absolument aucune différence. »
Un ressenti
Parmi les nombreux exemples qu’il cite dans son livre, Graeber mentionne les domaines de la finance et du conseil mais pas seulement puisque ces bullshits jobs ne concerneraient pas que les emplois dits qualifiés… Il rapporte aussi le cas de sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants, dans le champ des services, par exemple… « Dans tous les cas, il s’agit bel et bien d’un ressenti », rapporte la psychologue clinicienne Maria Hejnar, qui évoque donc un aspect « subjectif ».
Pour expliquer ce phénomène, Graeber met en cause la hiérarchie. A ses yeux, ces boulots existeraient surtout « pour satisfaire la volonté de contrôle et de domination des managers, dans une logique non pas capitaliste mais féodale », exprime Luc Courtot dans la revue Travail et Emploi. Maria Hejnar abonde : « ces métiers répondent effectivement à un besoin du supérieur hiérarchique de valoriser sa propre image, de se donner de l’importance ».
Un travail « abrutissant »
Au-delà des mots, cette expression cache une véritable souffrance au travail. « De nombreux sentiments négatifs peuvent ainsi faire surface », poursuit la psychologue clinicienne. Elle cite notamment « un manque de sens et de but, un sentiment d’insatisfaction, qui peuvent entraîner une baisse de la motivation et une absence totale de stimulation intellectuelle. C’est en quelque sorte abrutissant ! »
Ce quotidien est susceptible d’entraîner des retentissements psychologiques potentiellement graves : « troubles anxieux, dépression et encore perte de confiance en soi ». Et ce d’autant plus que dans de nombreux cas, « la personne se sent obligée de faire semblant, angoissée que les gens découvrent que son travail est effectivement inutile et qu’au final, elle le perde… », explique Maria Hejnar.
Travailler la confiance en soi
L’issue ? « Un système à changer », sourit-elle car « nous sommes là face à des signes que la société ne tourne pas rond… » Sur un plan individuel, « c’est partir, changer de métier. Mais ce n’est pas simple car bien souvent, les gens n’ont même plus suffisamment confiance en eux pour penser qu’ils sont capables de faire autre chose ». Le premier pas reste bien souvent de s’en ouvrir auprès d’un ou d’une psychologue. Puis de travailler la confiance en soi histoire de retrouver les ressources pour porter son regard vers d’autres horizons professionnels. Plus gratifiants.