L’eau potable européenne contaminée par le TFA, un « polluant éternel »
L’eau du robinet en Europe serait largement contaminée à l’acide trifluoroacétique (TFA), de la famille des polluants éternels (PFAS), selon une étude présentée le 10 juillet par l’ONG Pesticide action network Europe (PAN Europe). En tout, 55 échantillons d’eau potable issus de 11 pays ont été analysés. Le TFA a été détecté dans 94 % des 36 échantillons d’eau du robinet et dans 63 % des 19 eaux minérales et eaux de source embouteillées.
Le TFA provient principalement des pesticides à base de PFAS, mais aussi des gaz réfrigérants, du traitement des eaux usées et de la pollution industrielle. Il est le polluant éternel le plus retrouvé dans l’eau (98 % des PFAS détectés). Pour rappel, les PFAS représentent une vaste famille de composés chimiques utilisés depuis les années 50 par les industriels, pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleur, etc, et présents dans de nombreux produits de consommations courantes.
Une toxicité pour le foie et la reproduction
Malgré sa présence généralisée dans l’eau, le TFA a fait l’objet de peu d’études toxicologiques. Toutefois des études récentes ont mis en avant sa toxicité sur le foie et la reproduction, avec des malformations sur les fœtus. Ces résultats sont toutefois associés à une exposition au TFA à des concentrations beaucoup plus élevées que les niveaux retrouvés dans les eaux potables européennes.
Il n’existe actuellement dans l’Union européenne aucune limité légale de TFA dans les eaux de surface, les eaux souterraines et l’eau potable. Au 1er janvier 2026, une nouvelle réglementation européenne pour les eaux de consommation doit être appliquée. La totalité des PFAS mesurable dans l’eau ne devra pas excéder 500 ng/l d’eau potable, alors que le TFA a été détecté en moyenne à hauteur de 740 ng/L dans l’eau du robinet (2 100 ng/l à Paris, deuxième plus grosse contamination derrière un échantillon autrichien).
En toute logique, le TFA devrait en faire partie, mais il n’y a pour l’heure aucune certitude. Pourtant, les niveaux de TFA ne cessent d’augmenter dans l’eau que boivent les Européens.
Un possible effet cocktail ?
L’ONG PAN Europe et ses partenaires nationaux craignent une sous-estimation du risque lié à la présence généralisée du TFA dans l’eau potable. Le rapport rappelle le cas du PFOA, acide perfluorooctanoïque, qui appartient au même sous-groupe de PFAS que le TFA. Aujourd’hui classé cancérigène pour les Humains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le PFOA était au cœur d’un scandale sanitaire de pollution des eaux aux Etats-Unis, mis en scène dans le film Dark Waters de Todd Haynes. Celui-ci relatait le combat d’un avocat représentant de 70 000 personnes potentiellement empoisonnées au PFOA en Virginie. « L’histoire a montré que de nombreuses substances jugées inoffensives se sont révélées problématiques et dangereuses par la suite. Parmi les exemples les plus connus, on peut citer les composés organochlorés persistants comme le DDT, les CFC qui appauvrissent la couche d’ozone ou le bisphénol A, un produit chimique qui perturbe le système endocrinien », avance le rapport.
Les ONG craignent aussi un effet cocktail avec d’autres PFAS et pesticides auxquels les populations sont déjà exposées. Les effets pourraient ainsi être décuplés ou même être encore inconnus. Pour garantir la « disponibilité future d’une eau potable sûre pour les citoyens européens », les auteurs du rapport réclament, l’interdiction des pesticides à base de PFAS, l des gaz fluorés, une meilleure connaissance sur la toxicité du TFA, la mise en œuvre d’une limite de sécurité pour le TFA dans l’Union européenne et la restriction générale des PFAS.