Journée internationale des droits des femmes : les inégalités de santé perdurent

Une moindre représentation des femmes dans les essais cliniques, notamment cardiovasculaires
La science et les scientifiques, essentiellement des hommes, ont longtemps pensé qu’il existait peu de différences significatives entre les hommes et les femmes, en dehors de la reproduction. Pour cette raison, mais aussi à cause des menstruations et de possibles risques pour un enfant à venir, les femmes ont longtemps été exclues des essais cliniques. Or, les molécules ne produisent pas les mêmes effets chez une femme que chez un homme. Par ricochet, la situation a engendré une moins bonne connaissance des pathologies chez elles, un manque d’informations sur les effets thérapeutiques et secondaires des médicaments, et souvent une moins bonne efficacité des traitements. Exemple dans l’asthme et son traitement par inhalation avec des bronchodilatateurs et des corticostéroïdes : ceux-ci présentent 20 % d’efficacité en moins pour réduire les exacerbations chez les femmes.
Toutefois, la situation s’est nettement améliorée ces dernières années. Selon le registre international des essais cliniques (OMS/NIH), cité par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans un rapport de 2020, « toutes pathologies et phases d’essais confondues, la participation des femmes est passée de 35 % en 1995 à 58 % en 2018. Cependant, pour quelques pathologies, la persistance d’une représentation insuffisante des femmes a été dénoncée, notamment dans des essais concernant l’insuffisance cardiaque, certains cancers, la dépression, la douleur, le sida ». Ainsi, selon une étude publiée dans la revue Circulation en février 2020, les essais cardiovasculaires entre 2010 et 2017 concernaient 740 essais, sur un total de 862 652 adultes dont seulement 38,2 % de femmes. Une situation alarmante alors que la première cause de décès chez les femmes sont les maladies et accidents cardiovasculaires et qu’elles présentent notamment des différences anatomiques et symptomatiques par rapport aux hommes.
Des diagnostics plus tardifs
Le manque de connaissances spécifiques entraîne des lacunes sur le plan clinique. Plusieurs études ont montré qu’il existait des différences significatives dans les diagnostics selon que le patient est une femme ou un homme. Ainsi, une étude danoise publiée en 2019 qui s’est étendue sur une période de 21 ans, de 1994 à 2015, révèle que les femmes étaient diagnostiquées plus tardivement que les hommes pour 770 maladies, avec un écart moyen de 4 ans. Concernant les cancers, le diagnostic chez les femmes tombait environ deux ans et demi plus tard que chez les hommes. Pour les maladies métaboliques comme le diabète, la durée supplémentaire s’élevait à 4,5 ans !
Moins de financements pour les femmes
Une femme sur cinq souffre de crampes sévères lors des règles, une femme sur dix d’endométriose. Idem pour le syndrome des ovaires polykystiques. Ces maladies et troubles fréquents, spécifiquement féminins, altèrent la santé et le bien-être des femmes. Pourtant, en 2015, il y avait cinq fois plus d’études scientifiques sur la dysfonction érectile que sur le syndrome prémenstruel. Autre exemple, dans un essai où le médicament citrate de sildénafil s’évérait efficace pour soulager les douleurs liées aux règles, la recherche s’est arrêtée faute de financement.
En France, l’endométriose, sortie de l’ombre grâce à la mobilisation des patientes et associations, notamment sur les réseaux sociaux, n’a fait l’objet d’un plan d’action qu’en 2019. « On voit bien ici que cette maladie spécifique des femmes a longtemps été ignorée car réduite à des « affaires de femmes fragiles et souffreteuses » au lieu d’être reconnue comme une pathologie organique », note le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport de 2020.
Selon Solenne le Hen, autrice du livre “Les Négligées” sur les inégalités de santé entre les femmes et les hommes : « 1 % des financements consacrés à la recherche et à l’innovation en santé au niveau mondial vont à la santé des femmes ».
Exemple aux Etats-Unis, où le National institute of health alloue 11 % de son budget à la recherche spécifique à la santé des femmes aux États-Unis. Bien que les femmes aient un taux de mortalité 50 % plus élevé l’année suivant une crise cardiaque, seulement 4,5 % du budget du NIH pour les maladies coronariennes soutient la recherche axée sur les femmes, indique un rapport de 2024 présenté au forum économique de Davos.
Les femmes sont aussi moins présentes dans la recherche
Une plus grande présence des femmes en tant que responsables dans les essais cliniques pourrait contribuer à réduire ces inégalités. Ainsi, selon une étude du Lancet publiée en 2019, lorsque les femmes étaient premières autrices (le plus grand engagement opérationnel) et dernières autrices (une chercheuse séniore qui a livré des conseils et guidé l’étude), l’étude était bien plus susceptible de considérer le sexe comme une variable clé dans la recherche et l’analyse des résultats.
Mais les femmes – premières ou dernières autrices – sont moins nombreuses que les hommes. Dans cette même étude, il est avancé que seul un quart des dernières autrices sont des femmes et 40 % des premières autrices.
Autre exemple. Une étude publiée dans The Journal of The American College of Cardiology, relayée par Le Monde en 2022, suggère que dans les essais cardiovasculaires publiés au cours des quatre dernières années les femmes n’étaient présentes qu’à hauteur de 10,1 % dans les comités de direction et que la moitié d’entre eux ne contenait aucune femme.
Les femmes passent une plus grande partie de leur vie en mauvaise santé que les hommes. Pour combler cet écart, il est nécessaire d’en finir avec la moindre efficacité des traitements, de mieux connaître et former les professionnels aux spécificités féminines, de prendre en compte les conditions de vie et l’environnement. Selon le rapport publié à Davos, cela permettrait « de stimuler l’économie mondiale d’au moins 1 000 milliards de dollars par an d’ici à 2040 » et « 137 millions de femmes accédant à des postes à plein temps d’ici 2040 ».