Comment concilier rôle d’aidant et vie professionnelle ?
« J’ai de plus en plus de mal à concilier mon rôle d’aidant et mes horaires de travail ». Ce grand écart, ils sont très nombreux à le faire, au risque de perdre leur santé, et leur travail.
61 % des proches aidants sont dans la vie active, sur les 8,8 millions d’adultes aidants en France. Cette assistance peut prendre la forme d’une aide aux activités de la vie quotidienne, d’un soutien moral et/ou d’un soutien financier.
Le profil du salarié aidant
Selon l’Observatoire 2023 sur les salariés aidants, l’âge moyen de ces derniers s’établit à 42 ans. Chez les salariés aidants du secteur privé, l’âge moyen du début de l’aide est même de 35 ans ! En moyenne, ces salariés consacrent entre 9 et 11 heures par semaine à leur rôle d’aidant.
Sans trop de surprise, 82 % d’entre eux déclarent manquer de temps, et 51 % ont déjà renoncé à consulter un médecin alors qu’ils en avaient besoin. Dans 86 % des cas, l’aidé est un membre de la famille. Ce dernier est en situation de perte d’autonomie liée au grand âge (46 %), de maladie chronique ou invalidante (24 %), ou de handicap (20 %).
En informer ou non son employeur ?
44 % des salariés aidants ont le sentiment de pouvoir perdre leur emploi et seuls 25 % seulement ont informé leur employeur de leur situation. Ils craignent d’être stigmatisés, perçus comme des personnes moins engagées dans leur travail, ou encore qu’on leur retire des dossiers, craignant un manque de fiabilité. Plusieurs arguments incitent pourtant à s’en ouvrir à l’employeur : bénéficier des dispositifs juridiques ad hoc, ne pas se retrouver isolé a fortiori quand on ne parvient plus à assurer sa part du travail…
Quels sont mes droits en tant que salarié aidant ?
En France, plusieurs dispositifs juridiques existent pour aider les salariés à concilier leur vie professionnelle et leur rôle d’aidant. Bien qu’insuffisants et trop peu utilisés, « ces dispositifs constituent déjà une ressource importante », souligne Julia Peyre, avocate spécialisée dans le droit du travail et experte sur les questions liées à l’aidance dans le monde de l’entreprise (cabinet Squair, Bordeaux).
Le premier concerne les congés spécifiques. Le « congé de proche aidant » est indemnisé par l’allocation journalière du proche aidant (AJPA). « Il permet aux salariés de prendre des jours pour s’occuper d’un proche en situation de dépendance, précise-t-elle. Il est désormais indemnisé par des organismes comme la Caisse d’Allocations Familiales à hauteur du Smic (64,54 € par jour en 2024), avec une limite de 66 jours d’indemnisation au cours du parcours professionnel du salarié. Le « congé de présence parentale » est quant à lui destiné aux parents d’enfants gravement malades ou en situation de handicap. Enfin, le « congé de solidarité familiale » est prévu pour accompagner un proche en fin de vie. »
Ensuite, des aménagements du temps de travail peuvent être demandés par les salariés. Par exemple, un salarié aidant peut solliciter un passage de travail de nuit à des horaires de jour. « Les « horaires individualisés » existent aussi et permettent de conserver la même durée de travail tout en ayant la flexibilité d’organiser son emploi du temps, par exemple en arrivant plus tôt et en partant plus tôt, explique Maître Peyre. Enfin, le « don de jours de repos » entre collègues permet aux employés de faire preuve de solidarité. Non obligatoire, certaines entreprises l’appliquent avec succès, et durablement dans le temps, à la condition préalable d’assurer une sensibilisation et une information adéquates au sein de l’entreprise. »
Enfin, les autres possibilités légales relèvent de l’accord conventionnel, établies entre les parties ou mises en place unilatéralement par l’entreprise (allongement des congés, maintien de salaire durant ces périodes…).
Quid des indépendants ?
Les salariés du secteur public sont aussi concernés par les dispositifs mentionnés plus haut – avec certaines spécificités – ainsi que les travailleurs indépendants. « Ces derniers ont droit comme les autres à une indemnisation (allocation journalière de proche aidant) en cas de cessation ou de réduction de leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche », ajoute l’avocate, qui reconnaît néanmoins que « la reprise de leur activité peut être délicate, notamment en raison de la perte de contacts, de commanditaires et/ou de revenus, car l’indemnisation est souvent largement insuffisante pour compenser les charges qu’ils continuent d’assumer lors de leur absence. »