Cancer du pancréas : pourquoi est-il si redouté ?
Jean-Yves Le Fur, l’homme d’affaires investi dans l’univers des médias qui a relancé le mythique « Lui » avec l’écrivain Frédéric Beigbeder, est décédé à l’âge de 59 ans, le 31 mars dernier. L’ex-mari de la réalisatrice et actrice Maïwenn a succombé à un cancer du pancréas. Ce cancer reste parmi les plus redoutés aujourd’hui.
Une progression de 2 % par an
En France, près de 16 000 nouveaux cas ont été recensés en 2023, avec une incidence en hausse de 2 % environ chaque année. Neuf cancers du pancréas diagnostiqués sur dix sont des « adénocarcinomes canalaires ». Cela signifie qu’ils se développent à partir des cellules produisant le suc pancréatique. Ces cellules sécrètent les enzymes digestives indispensables. Les 10 % restants sont des tumeurs rares du pancréas.
Entre 1990 et 2018, le taux d’incidence des cancers du pancréas a augmenté selon un rythme moyen de 2,7 % par an chez les hommes et, de manière plus soutenue, de 3,8 % chez les femmes.
Les causes, encore au stade d’hypothèses
Les raisons de la hausse de l’incidence du cancer du pancréas ne sont pas complètement comprises. Elle pourrait être due à une meilleure détection grâce aux progrès des techniques d’imagerie, à un meilleur enregistrement des cas et probablement à une augmentation des facteurs de risque bien démontrés tels que l’obésité, le diabète et le tabagisme. Si la pancréatite chronique (inflammation du pancréas) et les facteurs génétiques de susceptibilité y contribuent, tous ces facteurs ne peuvent expliquer à eux seuls l’augmentation de l’incidence.
C’est pourquoi les chercheurs explorent d’autres pistes, notamment les changements radicaux du mode de vie dans les années 1980, comme l’industrialisation de l’alimentation (additifs, excès de lipides et de glucides, etc.). Des molécules spécifiques comme les nanoparticules (dioxyde de titane) pourraient également jouer un rôle, tout comme l’augmentation de l’utilisation des pesticides et des métaux lourds (cadmium) dans l’alimentation et dans l’eau.
La piste des pesticides se précise
L’exposition aux pesticides serait bien liée à un risque accru d’adénocarcinome du pancréas, selon deux études françaises présentées lors du congrès de la Société nationale française d’hépato-gastroentérologie (JFHOD), en mars 2024. Bien que de faible ampleur, cette association est robuste, surtout en ce qui concerne trois substances spécifiques : le mancozèbe, le glyphosate et le soufre en pulvérisation. Pour chaque augmentation de 2,5 kg de pesticides par hectare sur une période de 11 ans, le risque d’adénocarcinome du pancréas augmente de 0,9 à 1,4 %.
L’utilisation des pesticides est massive en France, où environ 300 substances sont autorisées et où près de 65 000 tonnes sont utilisées chaque année, ce qui place la France en tête des pays consommateurs en Europe. De plus, une seconde étude a concerné quatre autres substances associées à un risque accru de cancer du pancréas. Bien que leur utilisation soit interdite depuis les années 1990, elles sont encore présentes dans les sols et dans l’air !
L’enjeu : intervenir au stade localisé grâce à la chirurgie
La progression du nombre de cancers du pancréas est particulièrement préoccupante étant donné l’absence de traitement réellement efficace au stade métastatique (50 % des cas lors du diagnostic) ou au stade localement avancé (30 % des cas). La chirurgie et la chimiothérapie (parfois associée à une radiothérapie) sont les principaux traitements des cancers du pancréas. Cette intervention implique d’enlever la partie du pancréas où la tumeur s’est développée (tête, queue…), et éventuellement des organes voisins ou des parties d’organes affectés. Cependant, elle n’est bénéfique que lorsque la tumeur est localisée uniquement au pancréas.
Malheureusement, au moment du diagnostic, une minorité des cancers du pancréas est opérable (10 % à 20 %), une situation liée principalement à l’évolution silencieuse et sournoise de la maladie. En effet, en règle générale, le cancer du pancréas se développe sans entraîner de symptômes. Aussi, lorsque les premières manifestations se produisent (une perte d’appétit et un amaigrissement progressif, une jaunisse…) la tumeur est souvent déjà très développée.
Tous stades confondus, le taux de survie à 5 ans est de l’ordre de 7 %.