Cancer de la vessie : l’immunothérapie, un espoir concret contre les formes invasives
Cette étude sur l’immunothérapie durvalumab dans le cancer de la vessie invasif est un véritable « game changer », selon le Pr Yann Neuzillet, onco-urologue à l’hôpital Foch (Paris). Présenté lors du congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO, 13-17/09/24, Barcelone) et publié dans le New England Journal of Medicine, cet essai avait pour but de tester une immunothérapie (le durvalumab). Pour la première fois, c’est un espoir sérieux qui s’offre aux patients atteints de cancer de la vessie invasif sur le plan musculaire (« infiltrant le muscle » dans le langage médical). « Plusieurs molécules ont été testées auparavant, mais toutes ont échoué, ce qui explique l’intérêt de la communauté internationale envers l’anticorps monoclonal durvalumab », explique le spécialiste.
Booster l’efficacité de la chimiothérapie
Le cancer de la vessie touche environ 13 000 à 14 000 nouveaux patients par an en France, avec le tabac comme l’un des principaux facteurs de risque. « Ce qui nous intéresse ici, poursuit-il, ce sont les formes graves de la maladie, en particulier les cancers de la vessie infiltrant le muscle, qui concernent environ 4 000 patients par an. Parmi eux, 3 000 sont éligibles à une cystectomie radicale. Il s’agit du traitement de référence qui consiste à retirer la vessie afin d’éliminer la tumeur, dans l’espoir d’obtenir une rémission complète. Néanmoins, environ 25 % à 50 % des patients ont une récidive après une cystectomie associée à une chimiothérapie. Pour réduire ce risque, seuls 1 500 environ peuvent recevoir une chimiothérapie efficace, incluant du cisplatine. D’où l’intérêt de booster l’efficacité de la chimiothérapie à l’aide d’un traitement supplémentaire, en l’occurrence ici le durvalumab. »
Améliorer le pronostic après chimiothérapie et chirurgie
Dans l’essai de phase 3 NIAGARA, les participants atteints d’un cancer de la vessie envahissant le muscle ont été répartis en deux groupes, l’un recevant une chimiothérapie standard (gemcitabine + cisplatine), l’autre la même chimiothérapie mais avec l’ajout de durvalumab, une immunothérapie.
Comment fonctionne l’immunothérapie ? Le cancer de la vessie utilise des mécanismes tels que les interactions entre les ligands et récepteurs (comme PD-1 et PDL-1) pour empêcher l’attaque des lymphocytes du système immunitaire. Les immunothérapies ont pour principe de supprimer cette « protection » afin que les cellules cancéreuses soient à nouveau reconnues et attaquées par le système immunitaire.
Dans le cas du durvalumab, cela a fonctionné : l’immunothérapie a permis de générer une réponse antitumorale prolongée grâce à l’activation du système immunitaire.
Une amélioration significative du pronostic des patients
Les patients traités avec le protocole périopératoire incluant le durvalumab ont bénéficié d’une réduction de 32 % du risque de progression de la maladie, de récidive, de non-intervention chirurgicale ou de décès par rapport au groupe comparateur : 67,8 % des patients traités avec le protocole avec le durvalumab n’ont pas eu d’événement à deux ans, contre 59,8 % dans le groupe comparateur.
Quant à la survie globale, le protocole périopératoire avec le durvalumab a réduit le risque de décès de 25 % par rapport à la chimiothérapie néoadjuvante avec cystectomie radicale : 82,2 % des patients traités avec le protocole avec durvalumab étaient en vie à deux ans, contre 75,2 % dans le groupe comparateur.
En résumé, les données de l’étude NIAGARA ont montré des améliorations en termes de survie sans événement et en survie globale, avec plus de 80 % des patients traités selon le protocole périopératoire avec le durvalumab qui étaient toujours en vie après deux ans. « Il s’agit du premier protocole d’immunothérapie en association à la chirurgie à prolonger de manière notable la survie globale dans le cancer de la vessie infiltrant le muscle », précise le Pr Neuzillet.
Pas de toxicité supplémentaire
La bonne nouvelle est qu’aucune toxicité supplémentaire due à l’ajout du durvalumab n’a été constatée. Le Pr Neuzillet en est convaincu : « c’est un véritable tournant, et il est donc probable que les recommandations thérapeutiques évolueront rapidement pour inclure les résultats de l’étude NIAGARA. Ainsi, tout patient à qui l’on propose une chimiothérapie (à base de gemcitabine et cisplatine) dans un contexte néoadjuvant pourrait bénéficier de l’ajout de durvalumab pour améliorer le pronostic. Cet essai valide davantage la stratégie visant à accélérer le traitement du cancer le plus tôt possible afin de maximiser les bénéfices pour les patients. »
Concrètement, l’étude NIAGARA prévoit quatre cycles de chimiothérapie et d’immunothérapie préopératoire (voire moins en cas de signes de progression). Après la chirurgie (cystoscopie radicale), huit cycles d’immunothérapie sont administrés pour maintenir l’effet du durvalumab. En tout, le traitement dure moins d’un an.
* Imfinzi (durvalumab)/ AstraZeneca