Cancer de la prostate : pourquoi n’y a-t-il pas de dépistage organisé ?

Cancer de la prostate : pourquoi n’y a-t-il pas de dépistage organisé ?

Premier cancer et troisième cause de mortalité par cancer chez l’homme, le cancer de la prostate ne fait pas l’objet d’un dépistage organisé comme c’est le cas pour le cancer du sein, du col de l’utérus et colorectal.

En effet, selon les autorités sanitaires, « en l’état actuel des connaissances, il n’y a pas lieu de mettre en place de programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (et/ou toucher rectal) ni de recommander cette pratique ». Pour rappel, le dosage de PSA est, avec l’examen clinique, le premier examen permettant de détecter le cancer de la prostate. PSA correspond à un sigle anglais, pour Prostate Specific Antigen (antigène spécifique de la prostate). Protéine naturellement produite par la prostate, une élévation du taux de PSA (2,4 nanogramme par millilitre étant la moyenne) dans le sang, peut être le signe d’une anomalie, notamment un cancer, parmi plusieurs autres causes – infection urinaire, taille de la prostate, âge… Un taux de PSA élevé n’est donc pas spécifique du cancer de la prostate.

En outre, les autorités de santé s’appuient sur l’étude européenne ERSPC (2012) et l’étude américaine PLCO (2012), qui, selon l’Institut national du Cancer (Inca) ne permettent pas de conclure sur les bénéfices du dosage PSA ni sur son impact sur la mortalité. Le cancer de la prostate étant d’évolution lente, le dépistage pourrait détecter un cancer qui aurait évolué sur de nombreuses années – de 10 à 15 ans en moyenne – voire ne se serait pas révélé et pour lequel des soins n’auraient pas été nécessaires. « Dans ce cas, le dépistage a pour conséquence la mise en route d’un traitement dont les effets secondaires affectent la vie de tous les jours : incontinence urinaire, impuissance sexuelle ou troubles intestinaux… pour un cancer qui n’aurait pas fait parler de lui », développe l’Assurance-maladie.

En pratique, une détection précoce chez de nombreuses hommes

Toutefois, en pratique, près des trois quarts des hommes âgés de 50 ans à 69 ans ont réalisé au moins un dosage de PSA au cours des trois dernières années. Comment l’expliquer ? « L’analyse de la pratique des médecins généralistes montre qu’ils sont partagés entre les recommandations contradictoires des institutions de santé et de plusieurs sociétés savantes », avance l’Inca.

Parmi elles, l’Association française d’urologie (AFU). Celle-ci recommande le diagnostic précoce pour les hommes entre 50 et 75 ans avec une probabilité de survie prolongée de 10 à 15 ans. « C’est-à-dire une évaluation individuelle des hommes à partir de 50 ans avec un examen clinique (toucher rectal) et un dosage de PSA », explique le Dr. Guillaume Ploussard, chirurgien urologue et responsable du comité cancer de la prostate à l’AFU.  La démarche doit aussi évaluer les facteurs de risque et les patients doivent bénéficier d’une information éclairée sur les modalités, les enjeux et les risques liés au dépistage.

Par ailleurs, le recours à l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) a révolutionné le diagnostic de ce cancer. « Avec un PSA entre 3 et 4, et en fonction de l’examen clinique, on peut réaliser une IRM. Il s’agit d’un examen beaucoup moins invasif que la biopsie et cela évite de nombreuses biopsies qui ne sont pas nécessaires, poursuit l’urologue. Cette étape de l’IRM n’était pas présente lors de la réalisation des deux grandes études qui ont guidé les choix des autorités sanitaires. La détection du cancer de la prostate a largement évolué et la démarche diagnostique est aujourd’hui totalement différente ».

Une surveillance à la place du traitement possible dans certains cas

Autre élément, le fait que la détection d’un cancer de la prostate n’implique pas un traitement systématique (prostatectomie, radiothérapie ou curiethérapie qui sont des traitements lourds). « Selon les recommandations, les cancers détectés de grade 1, à faible risque, sont surveillés, il n’y a plus d’indication de traitement de première intention », note notre interlocuteur. A la place, la surveillance active est le traitement de référence. Elle comporte une surveillance régulière avec plusieurs outils : le toucher rectal, le dosage PSA, l’IRM et éventuellement des biopsies en fonction des données des examens précédents. La maladie mènera ainsi à un traitement lourd pour le patient uniquement si son évolution le justifie.

Guillaume Ploussard estime qu’il faudrait reconsidérer la possibilité de mettre en place le dépistage organisé. L’objectif étant d’atteindre des populations éloignées du soin mais aussi de permettre de « rationnaliser le dépistage et d’améliorer le contrôle des examens menés dans ce cadre. Il y a sur ce sujet, une vraie question au niveau national, qu’il faut se reposer dans le cadre d’une nouvelle étude », appuie le spécialiste.