Allergies : l’adrénaline bientôt dans le nez ou sous la langue ?
L’anaphylaxie est une réaction sévère d’hypersensibilité dite immédiate, à un allergène alimentaire, à un médicament, aux hyménoptères, etc., pouvant être fatale. Dans 55 % des cas elle survient en moins de 10 minutes et 80 % en moins de 30 minutes. Elle se présente sous des formes variées, parfois trompeuses, et évolue très rapidement. Face à cette réaction allergique grave, les personnes à risque (ou les parents d’enfants allergiques) sont habituellement formées pour réagir en urgence en s’auto-injectant de l’adrénaline par voie intramusculaire (au niveau du tiers moyen de la cuisse, légèrement vers l’extérieur).
L’adrénaline en urgence, un réflexe qui n’est pas encore acquis
Les stylos auto-injecteurs d’adrénaline doivent être portés en permanence par les personnes à risque de réaction allergique grave. Ils peuvent sauver de nombreuses vies. Pourtant ce traitement reste sous-utilisé, comme le démontre une étude réalisée en 2022 en France rappelle le Dr Catherine Neukirch (GHU NUP, site Bichat Claude Bernard, Paris) : « moins de 20 % des personnes se présentant aux urgences en Lorraine avaient utilisé ce traitement en 2015, et ce chiffre est encore plus bas chez les enfants, à 11 %. Il existe une sous-utilisation de l’adrénaline par les patients et les soignants, ainsi qu’un retard dans son administration, ce qui expose à un risque accru de morbidité et de mortalité. »
Auto-injection d’adrénaline, de nombreux freins
Encore aujourd’hui, les freins à l’utilisation de l’adrénaline en urgence sont multiples. Outre les formes cliniques d’anaphylaxie trompeuses (sans symptôme spécifique d’une réaction allergique), les obstacles à un recours optimal à ces auto-injecteurs sont nombreux :
des difficultés techniques d’utilisation ;
une administration incorrecte ;
la nécessité de tailles d’aiguilles adaptées pour les patients atteints d’obésité ;
la phobie des aiguilles ;
la crainte d’effets indésirables ;
l’absence de port de deux auto-injecteurs sur soi (deux injections étant parfois nécessaires) ;
les contraintes liées à la durée de conservation et au transport ;
le manque de formation et d’entraînement à l’utilisation adéquate.
L’adrénaline intranasale à l’étude
Afin de favoriser l’utilisation rapide de l’adrénaline et de convaincre les personnes réticentes à transporter et utiliser des dispositifs d’injection, des formes intranasale, sublinguale et transcutanée sont en cours de développement. À la mi-2024, trois formes intranasales d’adrénaline sont déjà bien avancées et présentent des résultats concluants en cas d’anaphylaxie. L’une d’entre elles est même en cours d’examen par les autorités sanitaires américaines et européennes.
Film sublingual d’adrénaline, auto-injecteur sans aiguille… des résultats prometteurs
Un film sublingual est également bien avancé dans les recherches. Placé sous la langue, il permet une administration rapide de l’épinéphrine-1 (une version inactive de l’adrénaline qui se transforme en médicament actif une fois dans le corps). Le produit, de la taille d’un timbre-poste, se dissout au contact de la langue. « Le film sublingual d’adrénaline pourrait être prometteur dans des situations réelles, précise le Dr Neukirch, notamment en cas d’allergie alimentaire avec ingestion récente de l’aliment allergisant (beurre de cacahuète, par exemple). »
Une autre technique prometteuse en cours de développement est la propulsion d’adrénaline directement à travers la peau. Une société française, financée par l’Union européenne, développe une forme transcutanée sous la forme d’un auto-injecteur sans aiguille. Un générateur de gaz propulse le médicament à très haute vitesse à travers la peau, potentiellement même à travers un vêtement, en une poignée de millisecondes.