Allergies alimentaires : des auto-injecteurs d’adrénaline dans les écoles ?
L’anaphylaxie est la manifestation la plus sévère de l’allergie, généralisée à tout l’organisme. Près de 5 % des personnes allergiques sont concernées. Le choc anaphylactique est lui-même la forme la plus sévère de l’anaphylaxie, une urgence médicale absolue.
60 % des cas d’anaphylaxie sont d’origine alimentaire
L’anaphylaxie est en augmentation depuis une vingtaine d’années, notamment liée à l’alimentation chez l’enfant. Les aliments sont en effet les premiers responsables de l’anaphylaxie (60 % des cas), devant les hyménoptères (guêpes…). Toute protéine alimentaire est un allergène potentiel (on parle de trophallergène).
En 2019, le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) a émis une note destinée aux recteurs et chefs d’établissements du second degré, leur recommandant de mettre à disposition des stylos auto-injecteurs d’adrénaline, facilement accessibles, et de former les personnels. Objectif : garantir un accès plus facile à l’adrénaline et traiter les réactions allergiques survenant dans les établissements scolaires, en particulier les cas d’anaphylaxie initiale après avis médical auprès du SAMU.
Pour rappel, l’adrénaline est un traitement efficace des réactions allergiques multisystémiques (touchant le système cardiovasculaire, respiratoire, cutané…) avec une action rapide sur les symptômes cardio-vasculaires et respiratoires.
Une évaluation à l’école peu concluante
Une évaluation de cette mesure a été réalisée par le Dr Clarisse Santos (pneumologie et allergologie pédiatriques, CHRU de Lille), membre du Groupe de travail « Allergie à l’école » de la Société française d’allergologie, dans les du Nord et du Pas-de-Calais, de mars à avril 2023. Elle était présentée au Congrès français d’allergologie 2024 (Paris, 16-19 avril 24).
Parmi les répondeurs, 72 % ont bien mis en place une boîte de 2 stylos auto-injecteurs d’adrénaline dans leur établissement. Pour ceux ne l’ayant pas fait, les raisons étaient la péremption trop rapide (28 %) et le coût trop élevé (26 %). Dans 70 % des cas, le stockage était prévu dans l’infirmerie, dans un lieu administratif dans 43 % des cas et à la cantine dans 25 % des cas. Tout le personnel scolaire y avait accès dans seulement 48 % des cas. Dans les cas où ils n’étaient accessibles qu’à un personnel autorisé, ils étaient sous clé dans 89 % des cas !
20 % des établissements ont eu des difficultés à former leur personnel, soit parce que celui-ci estimait qu’il n’était pas de sa responsabilité de reconnaître et de traiter une anaphylaxie (43 %), soit à cause de problèmes d’organisation (37 %) ou lié à la peur de mal injecter le produit (24 %). C’est donc un bilan mitigé : l’adrénaline n’est pas accessible en permanence dans au moins la moitié des cas, ce qui en limite grandement l’utilité.
Si l’intérêt que tous les établissements scolaires s’équipent de stylos d’adrénaline reste débattu vu la littérature scientifique disponible, il est démontré qu’une personne allergique alimentaire ayant déjà fait une réaction anaphylactique doit toujours avoir à proximité ou sur elle un stylo injecteur d’adrénaline.
Dans le doute, il ne faut pas s’abstenir !
« L’injection d’adrénaline est un réflexe vital en cas de suspicion d’anaphylaxie, mais elle est malheureusement encore sous-utilisée, regrette le Dr Etienne Beaudouin, du Groupe Anaphylaxie de la Société française d’allergologie (Institut Régional des Maladies Allergologiques et Environnementales et Immunologie Clinique, CHR Metz-Thionville). Dans le doute, sur soi ou sur une tierce personne, il ne faut absolument pas s’abstenir ! Le délai pour la concentration plasmatique maximum d’adrénaline est de 8 minutes, plus ou moins deux minutes, à condition de l’injecter en intra-musculaire et de manière précoce, lorsque le débit circulatoire est suffisant. »
L’adrénaline est remboursée sur prescription médicale et délivrée avec deux stylos auto-injectables. « Chaque stylo auto-injecteur a ses particularités de manipulation qui sera expliquée par le médecin au patient et à son entourage, ajoute l’allergologue. Le modèle prescrit ne doit donc pas être substitué par le pharmacien ». Concrètement, l’injection d’adrénaline est pratiquée sur la face antéro-externe (devant et légèrement sur le côté) du tiers moyen de la cuisse, par voie intramusculaire, idéalement directement sur la peau (à défaut, au travers des vêtements).
Le stylo doit être maintenu avec un angle de 90° par rapport à la cuisse pendant 5 à 10 secondes, selon le dispositif. L’injection agit en quelques minutes. Sans aucune amélioration des symptômes, elle est à renouveler dans les 5 à 10 minutes. Il faut ensuite appeler les secours en vue d’une prise en charge hospitalière.
Pour en savoir plus : Guide de l’enfant allergique – Edition 2018 par l’association Asthme & allergies