Perturbateurs endocriniens : quels effets sur le neurodéveloppement de l’enfant ?

Perturbateurs endocriniens : quels effets sur le neurodéveloppement de l’enfant ?

Alors que les troubles du neurodéveloppement sont en augmentation chez l’enfant, l’innocuité des substances chimiques auxquelles nous sommes exposés est de plus en plus remise en cause. Parmi eux les composés phénoliques et les parabènes, des perturbateurs endocriniens présents dans de nombreux produits du quotidien, comme les plastiques, les cosmétiques, les aliments. Mais les mécanismes sous-jacents sont mal compris et les liens de cause à effet difficiles à établir précisément.

Une équipe réunissant des chercheurs de l’Inserm, en collaboration avec le CNRS, l’Université Grenoble Alpes (UGA), le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes (CHU), et le Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal) s’est penchée sur le sujet. Ses résultats ont été publiés mercredi 10 décembre dans la revue Lancet Planetary Health.

Ils se sont intéressés à l’exposition, durant la grossesse, de 12 substances reconnues comme étant des perturbateurs endocriniens ou suspectées : des bisphénols, des parabènes et d’autres composés phénoliques. Tous ont été mesurés via des prélèvements d’urine répétés au sein de deux cohortes clés pour l’étude de l’effet des polluants chimiques sur la santé de l’enfant. La première, composée de 1 080 mères et de leurs enfants recrutés à Barcelone entre 2018 et 2021, et la seconde, de 484 mères et de leurs enfants recrutés dans la région grenobloise entre 2014 et 2017. « C’est une des forces de ces cohortes : les femmes ont recueilli jusqu’à 42 échantillons pendant la grossesse alors que les études précédentes en avaient au maximum trois. Cela permet une vraie amélioration de la mesure de l’exposition à ces substances », explique Claire Philippat, chercheuse à l’Inserm et autrice de cette étude.

Le bisphénol S, substitut du bisphénol A

Le développement des enfants a ensuite été évalué entre 1 an et demi et 2 ans à l’aide du Child Behaviour Checklist (CBCL), un questionnaire rempli par l’un des parents pour dépister d’éventuels troubles du comportement, tels que des difficultés d’attention ou des comportements anxieux, dépressifs ou agressifs.

Résultats : une exposition au méthylparabène (un agent parfumant et un conservateur) au troisième trimestre de grossesse est associée aux scores les plus élevés, suggérant de possibles troubles du comportement chez l’enfant ; une exposition au bisphénol S (utilisé dans la fabrication industrielle des plastiques), un perturbateur endocrinien reconnu, à la même période, est liée à des scores élevés, mais uniquement chez les garçons. Aucun effet cocktail n’a été observé.

« C‘est particulièrement préoccupant, car le bisphénol S est utilisé comme un substitut du bisphénol A, dont l’utilisation a été interdite pour certains usages, tels que les contenants alimentaires. Or, de plus en plus d’études suggèrent des effets néfastes sur la santé, alors même que nous sommes de plus en plus exposés à cette substance », souligne Claire Philippat.

Les mécanismes toujours difficiles à comprendre

Les chercheurs ont-ils réussi à comprendre les mécanismes sous-jacents ? Ils ont suivi la piste d’une implication de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), dont le rôle est, entre autres, de réguler la réponse au stress dans l’organisme. Ils ont mesuré le niveau de plusieurs des hormones impliquées dans ce système via l’analyse de mèches de cheveux prélevées chez les mères en fin de grossesse. Les résultats obtenus n’ont pas permis de comprendre les liens de cause à effet entre les substances chimiques et les troubles du comportement chez l’enfant. « Nos résultats ne suffisent pas à écarter cette hypothèse, car il y a encore très peu d’études sur le sujet. Mais il est possible que d’autres mécanismes biologiques, tels que la perturbation de l’axe thyroïdien ou œstrogénique, soient impliqués », avance la chercheuse.

Alors que le méthylparabène, n’est même pas à ce jour considéré comme un perturbateur endocrinien, seulement suspecté de l’être, il est impératif, selon la scientifique, de poursuivre les recherches afin de comprendre les effets des polluants chimiques.