Mortalité néonatale : les populations défavorisées, premières victimes

Alors que la mortalité néonatale progresse en France, une étude menée par l’Inserm, l’Université Paris Cité, l’Inrae, l’Université Paris Nord et l’AP-HP, publiée aujourd’hui dans la revue scientifique BMJ Medicine, suggère un lien avec les inégalités socio-économiques. Pour être en mesure de l’affirmer, les chercheurs ont construit un indice de désavantage social spécifique à la période périnatale. Leur conclusion ? Le risque de décès d’un nouveau-né est plus élevé pour les mères vivant dans les communes défavorisées.
Le risque de décès néonatal augmente avec le niveau de désavantage du territoire
Une étude parue en 2022 avait déjà mis en évidence une hausse significative de la mortalité infantile (décès avant un an) en France depuis 2012. Elle montrait que cette augmentation provenait surtout de la mortalité néonatale (décès entre la naissance et le 28e jour), sans toutefois préciser quels territoires et quelles populations étaient les plus concernés.
Le travail de l’Inserm s’appuie sur plusieurs facteurs : taux de chômage, part de personnes immigrées, proportion de locataires, de familles monoparentales et revenu médian par ménage. Les chercheurs ont ensuite confronté cet indicateur aux taux de mortalité néonatale sur deux périodes, 2001-2008 et 2015-2020, à partir des données françaises du Système national de santé (SNDS).
Selon leurs résultats, sur la période 2015-2020, les 20 % d’enfants nés de mères vivant dans les communes les plus défavorisées (selon l’indice périnatal) présentaient un taux de décès dans les 28 jours de 3,34 pour 1 000 naissances, soit 1,7 fois plus que celui des 20 % d’enfants des communes les plus favorisées (1,95 pour 1 000).
« On estime qu’environ un quart des décès, soit 2 496 décès de nouveau-nés, auraient pu être évités rien que sur la période entre 2015 et 2020 », indique Victor Sartorius, auteur de ce travail.
De plus, la comparaison entre les périodes 2001-2008 et 2015-2020 confirme l’augmentation de la mortalité néonatale en France métropolitaine. Mais « la hausse observée se concentre uniquement dans les territoires défavorisés, alors que la mortalité est restée stable dans le reste du pays », observe Jennifer Zeitlin, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, (U 1153 – Centre de recherche épidémiologie et statistiques-CRESS) et co-autrice de l’étude.
Quelles explications ?
Plusieurs facteurs pourraient expliquer le lien entre désavantage social et mortalité néonatale. Des caractéristiques associées au niveau socio-économique, comme le surpoids, le tabagisme ou l’exposition à la pollution, augmentent le risque de prématurité ou de petit poids de naissance, eux-mêmes facteurs de décès néonatal. Des choix éthiques et personnels, comme la décision de recourir ou non à une interruption médicale de grossesse pour certaines maladies fœtales, interviennent également.
« Il faut aussi considérer l’organisation du système de soins, ajoute Victor Sartorius. L’accès aux soins et la capacité des habitants à y recourir sont réduits dans les territoires défavorisés. Les forts taux d’occupation dans les unités de soins critiques pour nouveau-nés, associés à des sous-effectifs, sont aussi une piste à explorer. »
Selon une récente analyse de la Haute Autorité de santé (HAS), 57 % des événements indésirables graves liés aux soins chez les nouveau-nés, dont les décès, auraient pu être évités. « Notre étude (…) souligne l’urgence de mettre en place des mesures de santé publique ciblées sur les zones à haut risque que nous avons identifiées », insiste Jennifer Zeitlin.
La question est donc de savoir comment améliorer l’organisation des soins et les conditions de prise en charge, notamment dans les territoires désignés comme les plus fragiles selon l’indice de désavantage social et périnatal. Cela pourrait passer par un renforcement des effectifs, une meilleure formation des soignants et des infrastructures adaptées, avancent les auteurs de l’étude. Et pour commencer, l’équipe de recherche propose de réaliser des audits de l’offre de soins en périnatalité dans chaque territoire.