Suicide, ces 10 idées reçues qui font beaucoup de mal

En février 2025, une étude parue dans la revue scientifique The Lancet signalait une baisse de près de 40 % du taux de suicide dans le monde entre 1990 et 2021. Quelques jours plus tard, la Drees, via l’Observatoire national du suicide affichait la tendance inverse : en France, le taux repart à la hausse. En 2022, 9 200 personnes se sont donné la mort, soit 13,4 suicides pour 100 000 habitants, contre 13 l’année précédente. Une inversion de tendance après plus de trente ans de recul continu depuis le milieu des années 1980.
Que d’hommages maladroits liés à une méconnaissance du suicide
Le député Olivier Marleix a mis fin à ses jours le 7 juillet dernier. Rapidement, sur le réseau X on pouvait lire : « Dimanche, un Olivier Marleix tout sourire inaugure plusieurs projets dans sa circonscription, le lendemain il se suicide : ça ne tient pas debout », publiait un internaute sur le réseau X. Ou encore : « Depuis quand les gens se suicident sans laisser un mot à leurs proches ? » Les commentaires vont bon train, aussi infondés que dommageables. Face à cette vague d’idées fausses, souvent alimentées par la théorie du complot, des hommages maladroits, ainsi que des phrases irrespectueuses, le Dr David Masson – psychiatre responsable médical du centre de réhabilitation psychosociale CURe Grand-Est Lorraine auteur et vulgarisateur en santé mentale – a choisi de prendre la parole sur X pour rétablir quelques vérités. « Entre banalisation, instrumentalisation et expertises bidon qui pullulent dans cette triste actualité, il faut remettre un peu de clarté », écrivait-il dimanche 13 juillet.
10 principales idées reçues sur le suicide
Pour cela, le psychiatre a retenu, parmi la déferlante de commentaires sur les réseaux sociaux, ceux qui cristallisent le plus d’idées fausses, stéréotypées et préjudiciables.
« Il y a une épidémie suspecte de suicides en France »
Chaque année, près de 10 000 personnes meurent par suicide en France. Soit 28 par jour, environ 1 par heure. C’est plus que les morts sur la route. Ce n’est pas une « épidémie récente », mais une urgence de santé publique silencieuse.
« Il n’a pas laissé de mot, donc ce n’est pas un suicide »
La majorité des suicides ne s’accompagnent d’aucune lettre. L’absence de mot ne prouve rien, mais ajoute au chagrin des questions sans réponse.
« Le suicide est un choix »
C’est avant tout la conséquence d’une souffrance psychique intense. La crise suicidaire enferme dans une impasse où la mort semble la seule issue pour éteindre la douleur. Ce n’est pas un choix.
« Il souriait, donc il ne pouvait pas aller si mal »
Ce qu’on voit n’est pas toujours ce qu’on vit. On peut sourire, même en pleine crise suicidaire. La détresse n’a pas toujours de visage. Ce n’est pas un bon critère pour repérer la détresse.
« Il n’avait pas l’air déprimé, donc ce n’est pas un suicide »
Le suicide est fréquent en cas de dépression, mais il peut aussi survenir dans d’autres troubles (bipolarité, schizophrénie, addictions). Parfois, il n’y a aucune pathologie.
« Ceux qui en parlent ne passent pas à l’acte »
Idée reçue. Parler de suicide est souvent un appel à l’aide. Beaucoup de personnes ayant fait une tentative ou s’étant suicidées en avaient parlé, parfois discrètement.
« Je ne suis et ne serai jamais suicidaire »
Personne n’est totalement à l’abri : jeunes, adultes actifs, personnes âgées…
« Le suicide, c’est un acte égoïste »
Dans une crise suicidaire, la souffrance déforme le raisonnement : la personne pense parfois soulager ses proches. Les conséquences sont tragiques, mais jamais intentionnellement malveillantes.
« Parler de suicide à une personne qui va mal, ça va lui donner des idées »
Faux. Poser la question n’incite pas à l’acte, au contraire. Cela ouvre un espace de parole, permet d’évaluer la souffrance. Il s’agit de lancer une bouée.
« Contre le suicide, il n’y a rien à faire »
C’est faux également. Chacun peut agir pour la prévention. Quelques exemples : connaître le 3114 (numéro national de prévention du suicide), en parler autour de soi, et signer la pétition Le suicide, une mobilisation pour pouvoir en parler.
Un tabou très ancien maintient le suicide dans l’ombre. Il suscite culpabilité, honte, déni, malaise, idées reçues… Ces freins bloquent la parole, entretiennent l’ignorance et empêchent d’agir. Ils entravent la prévention et le soutien aux personnes concernées, sans oublier leur entourage, souvent confronté à l’inquiétude ou au deuil. À la lumière des connaissances actuelles, le suicide apparaît comme un drame du silence. Pourtant, en parler sauve des vies. C’est pourquoi un collectif de professionnels réuni autour du programme Papageno lance cette mobilisation. Avec le projet « Le suicide, pouvoir en parler », ces experts veulent ouvrir la voie vers une société où ceux qui souffrent trouvent de l’aide, et ceux qui accompagnent trouvent les mots justes.
Pour en savoir plus : Suicide, attention à l’effet Werther ou « contagion suicidaire »