Cancer colorectal chez les jeunes adultes : la bactérie E. Coli en cause ?

Cancer colorectal chez les jeunes adultes : la bactérie E. Coli en cause ?

Et si l’augmentation spectaculaire des cancers colorectaux chez les jeunes était liée à une bactérie ? C’est ce que suggère une étude internationale chapeautée par l’Université de Californie à San Diego (Etats-Unis).

Alors que le tabac, le surpoids, la consommation d’aliments ultra-transformés, l’alcool sont souvent pointés du doigt par les spécialistes pour expliquer cette « épidémie », c’est cette fois une toxine qui est mise en cause. La colibactine est produite par certaines souches de la bactérie Escherichia Coli présente naturellement dans le tube digestif. Et selon les scientifiques, l’exposition dès la petite enfance à la colibactine, capable d’altérer l’ADN, pourrait être responsable de la hausse des cancers colorectaux.

Les mutations trois fois plus souvent observées chez les jeunes patients

La présente étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature le 23 avril, s’est penchée sur le génome de 981 patients atteints de cancer colorectal à début tardif ou précoce, issus de 11 pays présentant différents niveaux de risque de cancer colorectal. Des mutations génétiques, caractéristiques de la colibactine, étaient 3,3 fois plus fréquentes chez les patients les plus jeunes (notamment chez les adultes de moins de 40 ans) que chez les personnes diagnostiquées après 70 ans.

Ces mutations étaient particulièrement répandues dans les pays où l’incidence des cas de cancer colorectal chez les jeunes est élevée. « Ces profils de mutation constituent une sorte d’archive génomique. Ils indiquent que l’exposition précoce à la colibactine est un facteur déterminant de l’apparition précoce de la maladie », a déclaré Ludmil Alexandrov, auteur principal de l’étude et professeur au département de bio-ingénierie Shu Chien-Gene Lay et au département de médecine cellulaire et moléculaire de l’UC San Diego, dans un communiqué de l’université.

Le cancer colorectal, bientôt la première cause de décès par cancer chez les jeunes adultes ?

Selon les données de santé mondiales, les cancers colorectaux sont en hausse chez les jeunes dans au moins 27 pays. « Son incidence chez les moins de 50 ans a pratiquement doublé chaque décennie au cours des 20 dernières années. Si la tendance actuelle se poursuit, le cancer colorectal devrait devenir la principale cause de décès par cancer chez les jeunes adultes d’ici 2030 », écrivent les chercheurs.

Alors que ces jeunes patients n’ont souvent aucun facteur de risque de survenue d’un cancer colorectal, l’objectif initial de l’étude était d’examiner les tendances mondiales afin de comprendre pourquoi certains pays présentaient des hausses des cas bien plus importants que d’autres. La présence des mutations liées à la colibactine, dans les cas d’apparition précoce, s’est avérée être un dénominateur commun.

Le lien de cause à effet encore à élucider

Les chercheurs pensent que lorsque ces mutations surviennent avant l’âge de 10 ans – les bactéries productrices de colibactine colonisant silencieusement le côlon de l’enfant – elles initieraient des modifications génétiques qui favoriseraient l’apparition d’un cancer colorectal bien avant l’apparition d’une tumeur. L’étude a aussi montré que la colibactine agissait directement, dans 15 % des cas, sur le gène APC dont la mutation favorise directement le développement du cancer colorectal.

Si les résultats de cette étude confortent cette hypothèse, ils n’établissent pas de lien de cause à effet entre les mutations génétiques induites par la toxine colibactine et le développement d’un cancer colorectal. Des recherches supplémentaires devront être menées pour le mettre en évidence.

Selon Ludmil Alexandrov, dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian, les mutations induites par la toxine pourraient aider les bactéries à supplanter leurs concurrents dans le microbiote. « Ce type de guerre chimique microbienne est assez courant au cours de l’évolution : la production d’une toxine contribue à façonner la niche ou à supprimer les concurrents microbiens », explique-t-il.

30 à 40 % des enfants aux Etats-Unis et au Royaume-Uni présenteraient dans leurs intestins des souches nocives E. Coli (productrices de colibactine). Reste donc aussi à déterminer l’origine de cette exposition.