VIH : entre sérophobie et grand relâchement

VIH : entre sérophobie et grand relâchement

Plus de 40 ans après la découverte du VIH, l’épidémie est aujourd’hui contenue en France, mais elle n’est pas encore éradiquée : 200 000 personnes vivent avec le VIH, dont 24 000 ignorent leur infection. Grâce aux progrès thérapeutiques, les personnes séropositives sous traitement ont une espérance de vie comparable à celle des personnes séronégatives. Elles ne transmettent plus le VIH, même lors de rapports sexuels non protégés par un préservatif. Pourtant, à en croire l’enquête 2024 de l’association AIDES, les trois quarts des Français (77 %) le pensent encore. De plus, un quart (24 %) ignore qu’une personne séropositive sous traitement peut avoir une espérance de vie similaire à celle d’une personne séronégative.  

« Le Tasp (Treatment as prevention) a changé la vie des personnes séropositives, commente Camille Spire, présidente de AIDES, nous savons aujourd’hui qu’une personne séropositive sous traitement et qui a une charge virale indétectable ne transmet pas le virus à ses partenaires, même lors d’un rapport sexuel non protégé par un préservatif ».   

Les Français face au VIH : le grand relâchement ? 

Sans traitement, les risques sont bien là. Et il est préoccupant de constater que 40 % des Français estiment que les risques de contamination par le virus du sida sont faibles. Ils étaient 14 % en 1988, c’est trois fois moins qu’il y a 35 ans. Ce sentiment est surtout présent chez les jeunes, qui n’ont pas connu cette période : 51 % des moins de 25 ans considèrent que le risque d’être contaminé par le VIH ou de développer le sida est aujourd’hui faible. Par ailleurs, seuls 40 % des individus craignent de découvrir qu’ils sont séropositifs et 38 % des Français redoutent d’atteindre le stade du sida (phase terminale de la maladie), même chez ceux ayant un certain capital culturel.  

D’ailleurs, de moins en moins de Français savent distinguer une personne séropositive d’une personne atteinte du sida : en 1988, 61 % comprenaient cette différence, mais ils ne sont plus que 49 % aujourd’hui. Cette méconnaissance est particulièrement répandue chez les 25-34 ans et chez les personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat. 

Côtoyer des personnes séropositives, le malaise persiste 

Les personnes séropositives et personnes au stade sida sont encore considérées comme une minorité à exclure de la société par une partie de la population : 11 % de la population soutient encore l’isolement des malades du sida (contre 23 % en 1988) et 8 % celui des personnes séropositives.   

Le malaise n’a pas disparu : 16 % des Français restent mal à l’aise à l’idée de côtoyer une personne séropositive. Et si 91 % des Français continueraient de fréquenter un ami s’ils apprenaient sa séropositivité, seuls 46 % maintiendraient une relation sexuelle avec une personne séropositive.  

De manière générale, 78 % des Français estiment que les personnes séropositives sont victimes de discriminations. 

« La sérophobie est toujours présente dans la société française, regrette Camille Spire. Le rejet injustifié des personnes séropositives, qui prend racine dans l’ignorance des Français concernant le VIH/sida, a des conséquences graves, individuelles et collectives. Les stigmatisations, inacceptables en soi car elles brisent des vies, font le lit de l’épidémie de VIH/sida. La peur de se découvrir séropositif, alimentée par la sérophobie, représente un frein important au dépistage. Pourtant, cet outil de prévention permet une mise sous traitement efficace, empêchant d’atteindre le stade sida et de transmettre le virus. »  

Enfin, les difficultés vécues par les personnes séropositives, telles que parler de leur séropositivité à leur entourage, mener une vie de couple normale, avoir des projets et penser à l’avenir, ainsi que travailler, sont beaucoup moins bien identifiées qu’il y a 20 ans. 

 

Créée en 1984, AIDES est la première association de lutte contre le sida et les hépatites en France et en Europe.