Immunothérapie : des résultats de plus en plus prometteurs
L’immunothérapie, contrairement à la chimiothérapie ou la radiothérapie qui s’attaquent directement aux cellules tumorales, est un traitement qui stimule les propres cellules immunitaires du patient pour qu’elles apprennent, ou réapprennent, à reconnaître et à détruire les cellules tumorales. L’immunothérapie connaît un essor important en oncologie depuis les années 2010 et nourrit de nouveaux espoirs dans le traitement de nombreux cancers. Au congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO), qui a réuni la communauté mondiale de l’oncologie du 13 au 17 septembre à Barcelone (Espagne), ces thérapies innovantes étaient au cœur de plusieurs études aux résultats prometteurs. Exemple avec quatre essais menés au moyen d’immunothérapies dans le traitement de cancers très agressifs.
Mélanome avancé
Dans le mélanome avancé, les résultats d’un essai de phase 2 d’immunothérapie avec un traitement anti-PD-1 paraît prometteur.
Concrètement, es cellules tumorales sont capables de détourner les dispositifs de contrôle du système immunitaire pour éviter d’être détruites. Elles parviennent à déclencher des mécanismes qui inactivent les cellules immunitaires, notamment les lymphocytes T. Ces mécanismes appelés “points de contrôle” peuvent être bloqués par des traitements : des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire. Ces derniers permettent de réactiver le système immunitaire. Exemple qui concerne la présente étude : « la liaison de la protéine PD-L1, présente sur les cellules tumorales, au récepteur PD-1 à la surface des lymphocytes T entraîne l’inactivation de ces derniers. En bloquant le récepteur PD-1 ou la protéine PD-L1 (avec des anti-PD-1 ou anti-PD-L1), l’inactivation des lymphocytes T est levée. Ces cellules immunitaires vont alors être de nouveau en mesure de s’attaquer aux cellules tumorales », précise l’Institut national du cancer.
Grâce à ce traitement, une combinaison de deux anticorps monoclonaux, le nivolumab associé à l’ipilimumab, la survie globale médiane était de 6 ans environ dans l’essai CheckMate 067. « Les résultats de cet essai confirment le potentiel de guérison de l’immunothérapie chez les patients atteints d’un mélanome avancé », a déclaré le Pr Marco Donia, professeur associé d’oncologie clinique au Centre national d’immunothérapie contre le cancer du Danemark (hôpital universitaire de Copenhague Herlev, Danemark), qui n’a pas participé à l’étude. Et même en dehors des essais cliniques, l’immunothérapie a fait ses preuves en clinique de routine contre le mélanome avancé. « L’immunothérapie a transformé le mélanome avancé d’une maladie auparavant mortelle avec une survie médiane de moins d’un an par rapport à ce que nous voyons aujourd’hui : la moitié des patients survivant pendant de nombreuses années », poursuit le médecin.
Cancer de la vessie
Une étude a également montré de bons résultats concernant la prise en charge des formes invasives du cancer de la vessie (invasion par la tumeur des muscles de la paroi de la vessie). Chaque année, 13 000 à 14 000 nouveaux patients sont diagnostiqués dont 4 000 présentent des formes graves. Dans ces cancers, c’est encore la protéine PDL-1 présente sur la cellule tumorale qui se lie au récepteur PD-1 présent sur le lymphocyte T (cellule immunitaire) et annihile ses capacités de destruction de la cellule tumorale. Dans l’étude de phase 3 Niagara, les patients qui ont reçu la combinaison chimiothérapie et immunothérapie voyaient les risques de récidive et de progression de la maladie réduits de 32 %, les risques de décès à 2 ans de 25 %.
Cancer du sein triple négatif
Ce cancer du sein est particulièrement difficile à traiter car il ne possède pas de récepteurs à œstrogènes ou progestérone ni même de niveaux élevés de la protéine HER2, impliqués dans la prolifération des cellules cancéreuses. Ainsi, ce cancer ne répond pas ni aux hormonothérapies ni aux traitements anti-HER2. L’essai de phase 3 Keynote-522 a ajouté, chez des patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif à un stade précoce, l’anticorps monoclonal pembrolizumab PD-1 à une chimiothérapie contenant du platine. « Les résultats ont montré une amélioration statistiquement significative et cliniquement significative de la survie globale avec l’immunothérapie plus la chimiothérapie avant la chirurgie et l’immunothérapie continue après la chirurgie ; le taux de survie globale à cinq ans était de 86,6 % chez les patients ayant reçu une immunothérapie et de 81,2 % dans le groupe placebo », explique l’ESMO dans un communiqué de presse.
Cancer du poumon “non à petites cellules” métastatique
L’institut Curie a présenté les résultats d’une étude de phase 2 RELATIVITY-104 qui a permis d’évaluer l’association de deux immunothérapies, le nivolumab (anticorps anti-PD1) et le relatlimab (anticorps anti-lag3 qui contribue également à empêcher la destruction des cellules cancéreuses par les lymphocytes T). Pour rappel, la principale cause de décès par cancer est le cancer du poumon qui touche 53 000 personnes par an en France. La forme la plus fréquente est le cancer dit “non à petites cellules”, souvent diagnostiqué à un stade avancé, lorsque les options thérapeutiques sont limitées.
Les résultats de l’étude démontrent l’innocuité du traitement, une diminution de près de la moitié du risque de rechute, et un bénéfice en termes de taux de réponse et de survie sans progression du cancer. « Dans ce sens, les résultats positifs que nous présentons à l’ESMO préfigurent l’immunothérapie de demain et nous montrent qu’il faut poursuivre cette stratégie d’agir sur plusieurs voies de stimulation du système immunitaire », a déclaré le Pr Nicolas Girard (Institut Curie, France). « Nous allons désormais lancer l’étude de phase 3 pour évaluer cette combinaison d’immunothérapies inédite auprès de patients atteints d’une forme fréquente de cancer du poumon métastatique, qui concerne plus de 15 000 personnes par an en France ».
Tumeurs trophoblastiques gestationnelles
Les tumeurs trophoblastiques gestationnelles – une masse tumorale qui se développe à partir du placenta – sont des tumeurs rares chez les jeunes femmes pendant la grossesse. Le traitement standard pour les tumeurs à bas risque est le méthotrexate, qui guérissait déjà 70 % des patientes. Un essai clinique français Trophamet montre un taux de guérison de 96 % chez les femmes traitées avec la combinaison du méthotrexate à une immunothérapie – l’anticorps monoclonal avélumab. 25 patientes sur les 26 incluses dans l’essai ont été guéries. Pour les scientifiques qui ont mené l’étude, cette combinaison doit devenir un nouveau standard thérapeutique.