Ingestion d’une pile bouton : faut-il donner du miel aux enfants ?

Plus de 1000 enfants ingèrent chaque année une pile bouton, ces petites piles rondes et plates que l’on retrouve dans de nombreux objets du quotidien, télécommandes, thermomètres, clés de voiture… Ingérées par un enfant, elles peuvent se coincer dans l’œsophage et causer sur la muqueuse des brûlures internes pouvant être mortelles.  Concrètement, selon Vidal.fr, « le courant électrique généré par la pile en contact avec l’humidité des tissus provoque une hydrolyse rapide de l’eau en ions hydroxydes (pH très alcalin de 10-13), responsables de brûlures chimiques (nécrose liquéfiante) de ces tissus ».  Il s’agit d’une urgence, la pile doit être extraite le plus rapidement possible.

En attendant, que faut-il faire ? Selon les recommandations de la Haute autorité de santé, « en cas d’ingestion d’une pile bouton ou de doute, il est recommandé de laisser à jeun l’enfant et de ne pas le faire vomir ». « Ne donner ni à manger ni à boire à l’enfant », complète l’Anses.

Des études en faveur de l’administration de miel

Pourtant une récente étude suggère que l’ingestion de miel ou de confiture permet d’éviter la survenue de lésions graves. En raison de sa viscosité le miel protégerait la paroi de l’œsophage des brûlures toxiques de la pile. Ce travail a été réalisé chez des cadavres de porc. Reprise par le site spécialisé Medscape, le Pr. Dominique Savary, médecin au service des urgences du CHU d’Angers, présente l’étude et conclut : « en régulation médicale, lorsque l’ingestion est récente, on peut proposer aux familles cette ingestion de miel ou de confiture pour les enfants ».

Ces résultats confirment ceux d’une étude publiée en 2018, réalisée sur des cadavres de porcs et d’autres anesthésiés. Ce travail recommande de donner régulièrement du miel à l’enfant jusqu’à la prise en charge à l’hôpital ou du Sucralfate – un médicament utilisé pour traiter les ulcères d’estomac ou le reflux gastro-œsophagien. Dans ses recommandations de 2021, la société européenne de pédiatrie et de gastroentérologie estime que le miel et le Sucralfate peuvent être administrés dans les 12 heures qui suivent l’ingestion, si cela ne retarde pas le retrait de la pile.

Pas d’efficacité démontrée

Pourquoi les autorités sanitaires françaises ne formulent-elles pas les mêmes recommandations ? On a posé la question à Magali Labadie, médecin toxicologue au centre antipoison du CHU de Bordeaux, chargée de mission pour les recommandations de bonne pratique publiées par la HAS en 2022. « Selon nous, l’efficacité du miel n’est pas démontrée dans ces études. Elles utilisent des pièces opératoires ou des animaux endormis, pour mener les tests. Mais dans la vraie vie, l’enfant est debout. Et lorsque la pile se coince, un œdème se crée. La pile est alors totalement enclavée dans l’œsophage et rien ne dit que le miel ira se loger entre la pile et la muqueuse », explique-t-elle.

Et rien n’indique non plus, pour la toxicologue, que le miel restera en place. « Des spasmes se produisent dans l’œsophage après un repas pour faire descendre ce que l’on ingère, le bol alimentaire. Chez une personne en éveil, ces spasmes s’ajoutent aux spasmes de déglutition. On ne les retrouve pas durant le sommeil ».

Davantage de risque lors de l’anesthésie

Efficacité du miel non démontrée et, pour les experts qui ont participé à la rédaction des recommandations, un risque accru lié à l’anesthésie. « Les anesthésistes présents dans notre groupe de travail ont estimé qu’il est contre-productif de donner à manger à un enfant qui probablement devra être endormi ensuite pour retirer le plus rapidement possible la pile de son œsophage. Le fait de donner à manger à un enfant potentiellement à endormir constitue un risque », poursuit la toxicologue.

Pour rappel, lors d’une anesthésie, les réflexes du corps ne sont plus aussi bons et il est possible que le contenu de l’estomac passe dans les poumons. Les aliments et l’acidité peuvent alors endommager les tissus des poumons et bloquer l’absorption d’oxygène.

Dans son argumentaire, la HAS est plus nuancée : « malgré ces niveaux de preuve minimalistes, et dans la mesure où des études humaines en pédiatrie seront toujours manquantes sur ce sujet, l’administration de miel à domicile (excepté pour l’enfant âgé < 1 an) et de sucralfate à l’hôpital pour des enfants peu ou pas symptomatiques et qui l’acceptent ne peut être qu’un choix laissé à l’appréciation du médecin prenant en charge l’enfant ».

A noter : le miel est dangereux pour les bébés et peut causer un botulisme infantile chez l’enfant de moins de 1 an. Après, ses défenses immunitaires lui permettent d’éliminer lui-même les spores contaminées.