Cancer du sein : les inégalités sociales altèrent durablement la qualité de vie
Prévention, traitement, survie… les inégalités socio-économiques sont présentes sur l’ensemble du parcours et constituent la principale cause d’inégalités en santé. Une équipe franco-suisse de l’Université de Genève (UNIGE), des hôpitaux universitaires de Genève (HUG), de l’Inserm et de l’Institut Gustave Roussy (Villejuif) s’est intéressée à ces inégalités dans le cancer du sein. 5 900 femmes à qui un cancer du sein précoce avait été diagnostiqué – dont 80 % des patientes se remettent -, ont participé à cette étude, publiée mardi 18 juin dans le Journal of Clinical Oncology. Toutes ont été soignées et suivies en France durant 2 ans.
Objectif : quantifier l’impact des inégalités économiques sur la qualité de vie des personnes atteintes d’un cancer du sein, au moment du diagnostic mais aussi dans les deux années qui suivent cette annonce. « De nombreuses femmes recevaient un traitement lourd la première année suivant leur diagnostic — comme une chirurgie suivie d’une chimiothérapie — puis une hormonothérapie la deuxième année. Nous les avons suivies sur deux ans afin d’analyser l’évolution des différences de qualité de vie sur le moyen terme », développe Gwenn Menvielle, directrice de recherche à l’Inserm et à Gustave Roussy, qui a mené l’étude.
Une qualité de vie très inférieure deux ans après le diagnostic
Cinq domaines de la qualité de vie ont été pris en compte ; fatigue, état général, état psychique, santé sexuelle et effets secondaires. Les critères socio-économiques étaient les suivants : niveau d’études, revenu du foyer (en tenant compte du nombre de personnes le constituant) et perception de la situation financière. La combinaison des éléments a permis de déterminer un score, le score de 0 représentant l’absence d’inégalités.
Résultats ? A diagnostic et traitements égaux, le statut socio-économique a un impact majeur mais aussi durable sur la qualité de vie. Dans le détail, « au diagnostic, les inégalités de qualité de vie entre les deux extrêmes socio-économiques sont notables, avec un score de 6,7. Le score augmente à 11 pendant le traitement, puis se maintient à 10 deux ans après le diagnostic, soit à un niveau plus élevé qu’à l’annonce du diagnostic », note l’Inserm dans un communiqué. Concrètement la qualité de vie des femmes favorisées est beaucoup moins affectée par les traitements et la situation perdure, à un score quasi-identique, à deux ans de survie.
L’argent, l’accès à l’information et les relais pour les enfants au cœur des inégalités
Les femmes les plus précaires voient leur qualité de vie largement plus altérée par le cancer du sein que les femmes plus favorisées, et ce indépendamment de leur âge, des caractéristiques de la tumeur ou du traitement reçu. « Si on s’attendait à une certaine inégalité au début de la maladie, le fait que ces inégalités augmentent rapidement et perdurent autant constitue une surprise », souligne José Sandoval, oncologue au Département d’oncologie des HUG, premier auteur de l’étude. D’autant plus qu’une qualité de vie altérée peut provoquer une réaction en chaîne notamment sur la vie sociale et professionnelle.
Comment expliquer de telles inégalités ? Pour José Sandoval, « avoir le temps, l’argent et l’accès à l’information pour prendre soin de soi et trouver des ressources de soutien et mieux gérer les effets secondaires physiques et psychologiques de la maladie sera probablement plus facile pour les femmes de statut socio-économique élevé que pour, par exemple, une mère de famille monoparentale à faible revenu, sans relais pour ses enfants ». Des inégalités sont bien présentes dans un pays comme la France, pourtant assez égalitaire en termes d’accès aux soins.
« Lorsque l’on parle d’oncologie de précision, il faudrait prendre en compte la personne dans son ensemble, y compris dans sa dimension sociale », préconisent les auteurs de l’étude. Et éviter que le cancer du sein n’affecte de manière disproportionnée les femmes les plus précaires.
A noter : 61 214 cancers du sein ont été diagnostiqués en France en 2023, avec un âge médian de 64 ans, selon les chiffres de l’Institut national du Cancer. A 5 ans, le taux de survie était de 87 % à 5 ans et de 76 % à 10 ans.