Tatouage et surrisque de lymphome, une étude sème le doute
Le tatouage est devenu très populaire en France. Près d’un Français sur cinq est tatoué, soit deux fois plus qu’au début des années 2010. La prévalence est de 20 % en Europe, selon la récente étude TABOO de 2023. 32 % des Américains le sont, et même 22 % en ont plusieurs (56 % des femmes entre 18 et 29 ans). La plupart des individus réalisent leur premier tatouage à un jeune âge. Cependant, l’encre de tatouage et ses constituants persistent dans l’organisme pendant de nombreuses décennies, principalement au niveau des ganglions.
Des chercheurs, se basant sur une vaste base de données de personnes ayant développé un lymphome, ont mis en évidence un lien entre les tatouages et un risque accru de cette forme de cancer des ganglions. Le lymphome est une maladie maligne caractérisée par la prolifération excessive de lymphocytes B ou T au niveau du système lymphatique et de ses organes, tels que les ganglions lymphatiques, le foie et la rate.
L’encre des tatouages peut colorer les ganglions lymphatiques
Le fait qu’une partie de l’encre passe dans les ganglions est bien connu, mais pas exploré. « Chez les individus tatoués, les ganglions dans la zone de drainage du tatouage présentent une coloration, similaire à celle des ganglions axillaires en cas de tatouage sur le bras ou l’épaule, explique le Dr Nicolas Kluger, dermatologue à l’hôpital Bichat (Paris). Les pigments migrent vers les ganglions. Certaines cellules immunitaires (macrophages) absorbent les pigments présents dans la peau et les transportent vers les ganglions. »
Un risque de lymphome 21 % plus élevé chez les tatoués
« Jusqu’alors, poursuit-il, il n’avait pas été constaté de surrisque de lymphomes chez les personnes tatouées. » Des chercheurs suédois ont réalisé une étude dite cas-témoins qui vient juste d’être publiée. Il s’agit d’une analyse qui compare un groupe de personnes atteintes d’une maladie (les cas) à un groupe de personnes non atteintes (les témoins), afin d’identifier les facteurs de risque associés à la maladie. En l’occurrence, ils ont comparé les individus d’un groupe témoin à tous les individus âgés de 20 à 60 ans ayant été diagnostiqués avec un lymphome malin en Suède, entre 2007 et 2017, soit près de 11 905 personnes (registres de l’Autorité nationale suédoise).
Les auteurs commentaient leurs résultats : « nous avons constaté que les individus tatoués présentaient un risque de lymphome malin global 21 % plus élevé que les individus non tatoués, et que l’association était plus forte pour le lymphome diffus à grandes cellules B et le lymphome folliculaire. » Le risque est accru lorsque le tatouage est inférieur à 2 ans au moment du diagnostic de lymphome (+81 %) et supérieur à 11 ans (+19 %). Aucun lien ne ressort avec la surface corporelle couverte par le tatouage, ou sa couleur.
Alors, les tatouages, un facteur de risque de lymphome malin ?
Pas si vite. Les chercheurs expliquent : « l’encre de tatouage contient souvent des produits chimiques carcinogènes, tels que les amines aromatiques primaires (dans les encres colorées), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (encres noires) et des métaux (nickel, cobalt…). Le processus de tatouage déclenche une réponse immunologique qui provoque la translocation de l’encre de tatouage depuis le site d’injection. » Pour autant rien n’est encore prouvé quant au lien avec les lymphomes. Les études cas-témoins sont particulièrement utiles pour identifier de nouveaux facteurs de risque. Mais pour affirmer un lien de causalité, cela ne suffit pas. « Nos résultats suggèrent que l’exposition au tatouage est associée à un risque accru de lymphome malin, écrivent les auteurs. Des recherches épidémiologiques supplémentaires sont nécessaires de toute urgence pour établir une causalité. »
D’ores et déjà, l’étude souligne l’importance de mesures réglementaires pour contrôler la composition chimique de l’encre de tatouage.
Pour en savoir plus sur les tatouages : Tatouages : quelle est la réalité du risque allergique ?