Diabète : le pancréas bio-artificiel avance à grands pas
Les personnes diabétiques de type 1 ont un pancréas qui n’est pas capable de produire suffisamment d’insuline. Par conséquent, elles doivent s’injecter cette hormone vitale plusieurs fois par jour. Cependant, certaines restent exposées à un fort déséquilibre de leur taux de sucre dans le sang (glycémie), augmentant les risques à la fois d’hyperglycémie aux conséquences cardiovasculaires, et d’hypoglycémie, qui peut être fatale. C’est pourquoi diverses stratégies ont été développées au cours des 30 dernières années pour remplacer les cellules pancréatiques défaillantes. La recherche semble enfin accélérer dans ce domaine.
La transplantation d’îlots de Langerhans réservée à un trop petit nombre de malades
En 2020, la Haute Autorité de Santé (HAS) a donné son accord pour la transplantation d’îlots de Langerhans – des cellules du pancréas – capables de produire de l’insuline chez les personnes diabétiques de type 1 dont la maladie est fortement déséquilibrée. Avec le faible recul dont nous disposons, cette technologie permet de normaliser la glycémie et de prévenir les hypoglycémies sévères. Cependant, le nombre considérable d’îlots de Langerhans nécessaires pour une transplantation, ainsi que les conséquences sur la santé de l’individu (hypertension artérielle, risques cardiovasculaires, infections…) et le risque de destruction du greffon due à l’immunosuppression à vie en font une technologie qui restera confidentielle.
Une microencapsulation d’îlots de Langerhans
Les recherches se sont donc orientées vers la création d’un pancréas « bio-artificiel », en utilisant notamment des cellules souches d’îlots de Langherans. L’idée étant de protéger individuellement ces cellules en les encapsulant. Les premières études de microencapsulation ayant permis un contrôle glycémique insuffisant, c’est ainsi qu’est née l’idée d’une encapsulation au sein d’un microenvironnement, c’est-à-dire l’enrichissement de la capsule avec une matrice extracellulaire, généralement un hydrogel dérivé du pancréas humain et d’autres composés nécessaires à la survie de la cellule.
Chez la souris, des essais ont démontré une amélioration de la glycémie. Au fil des années, les microcapsules ont été revêtues de certains composés permettant d’oxygéner le milieu, mais aussi d’éviter la fibrose (formation excessive de tissu cicatriciel) autour de la capsule et de la protéger contre des composés pro-inflammatoires (cytokines). Ainsi, les cellules d’îlots microencapsulées bénéficient d’un apport continu en oxygène, ce qui favorise leur survie.
« Les résultats les plus récents de ces essais sont prometteurs, avec une réduction de l’activation des macrophages (cellules immunitaires essentielles du système immunitaire, ndlr) et de la production de cytokines, commentait le Pr Sandrine Lablanche (Clinique d’Endocrinologie, Diabétologie et Maladies Métaboliques, CHU Grenoble Alpes) au congrès 2024 de la Société francophone du diabète. De plus, l’ajout de composés organiques (particules perfluorées), qui ont une grande affinité pour l’oxygène, a amélioré la survie des cellules d’îlots, avec une meilleure sécrétion d’insuline lors des tests de réponse au glucose sur ces îlots microencapsulés. »
Après la micro, la nanoencapsulation
Récemment, d’autres technologies ont été testées, notamment la nanoencapsulation, au moyen d’une couche protectrice déposée au contact même de l’îlot de Langerhans afin de le protéger. Cette couche est composée de facteurs qui empêchent la vascularisation autour de l’îlot, avec l’ajout de composés immunomodulateurs pour prévenir le rejet, entre autres. Des expériences in vitro et in vivo ont été menées avec des îlots pancréatiques humains isolés revêtus d’une nanoencapsulation multicouche. Ils ont pu maintenir une sécrétion d’insuline lors de tests de stimulation avec du glucose, tout en protégeant les cellules de la toxicité environnante.
Un mini-pancréas bio-artificiel
Une autre technique sur laquelle tous les chercheurs ont les yeux rivés est la macro-encapsulation. Cette fois-ci les îlots de Langerhans (précisément des cellules souches embryonnaires : des progéniteurs pancréatiques) sont enfermés par paquets dans des « chambres » que l’on peut transplanter. Des pores ont été créés pour que le contenu en cellules soit vascularisé et une immunosuppression est prescrite pour éviter le rejet du greffon. A ce stade, cette technologie est testée chez une poignée de patients. Les premières données confirment que de l’insuline est effectivement sécrétée par le matériel implanté. Pour le Pr Lablanche, « certains dispositifs sont parvenus à des niveaux de maturité tel que l’on peut envisager les essais cliniques. » Les résultats sont attendus dans quelques mois.