Aliments ultra-transformés : des émulsifiants associés à un risque accru de diabète de type 2
Les preuves s’accumulent contre les émulsifiants. En février, une étude menée par des chercheurs français pointait un risque accru de certains cancers lié à ces additifs. Ce mercredi, de nouveaux résultats sont publiés, issus d’une étude conjointe entre l’Inserm, l’INRAE, l’Université Sorbonne Paris Nord, l’université Paris Cité et du Cnam, regroupés au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress). Les résultats de cette étude, publiés dans la revue Lancet Diabetes & Endocrinology suggèrent une association entre le diabète de type 2 et une exposition chronique à plusieurs émulsifiants via les apports alimentaires.
Une large part de l’apport énergétique en Europe et en Amérique du Nord
Pour rappel, ces additifs sont très présents dans la nourriture ultra-transformée, qui représente respectivement 30 % et 60 % des habitudes alimentaires des adultes européens et d’Amérique du Nord. On retrouve ces émulsifiants dans les desserts, yaourts, glaces, biscottes, plats préparés… Ils sont utilisés pour leur capacité à améliorer l’apparence, la conservation, le goût, ou encore la texture d’un produit.
104 139 Français de la cohorte NutriNet-Santé ont participé à cette étude menée entre 2009 et 2023. « Les participants ont renseigné en ligne tous les aliments et boissons consommés et leur marque (pour les produits industriels), sur au moins deux journées d’enregistrements alimentaires. Ils étaient régulièrement réinterrogés sur leurs consommations alimentaires, tous les 6 mois sur 14 ans », note l’Inserm. Les informations ont été mises en perspective avec les bases de données afin d’identifier les émulsifiants présents dans l’alimentation des participants, de même que leur quantité.
Lors de ce suivi, les volontaires ont déclaré la survenue d’un diabète, information recoupée par les chercheurs par le remboursement de médicaments anti-diabétiques. Les facteurs de risque connus dans le diabète de type 2 ont également été pris en compte comme l’indice de masse corporelle (IMC), l’âge, le sexe, les antécédents familiaux…
Sept émulsifiants mis en cause
Après un suivi moyen de 7 ans, les scientifiques ont observé un risque accru de diabète pour sept émulsifiants (E340, E407, E472, E331, E412, E414, E415). Des épaississants, stabilisants, régulateurs d’acidité… largement présents dans les produits industriels. Par exemple, le phosphate de tripotassium (E 340) est associé à une augmentation du risque de diabète de 15 % pour 500 mg ingérés par jour. La gomme de guar (E412) est, elle, associée à une hausse du risque de 11 % à hauteur de 500 mg par jour.
« Ces résultats sont issus d’une seule étude observationnelle pour le moment, et ne permettent pas à eux seuls d’établir un lien de cause à effet. Ils doivent être reproduits dans d’autres études épidémiologiques à travers le monde, et complétés par des études expérimentales toxicologiques et interventionnelles, pour éclairer davantage les mécanismes liant ces additifs émulsifiants et la survenue du diabète de type 2. Ils donnent des éléments clés pour enrichir le débat sur la réévaluation de la réglementation relative à l’utilisation des additifs dans l’industrie alimentaire, afin de mieux protéger les consommateurs », expliquent Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, et Bernard Srour, professeur junior à INRAE, les principaux auteurs de l’étude.
A noter : les personnes qui souffrent de diabète de type 2 ne sécrètent pas suffisamment d’insuline pour réguler efficacement le taux de sucre dans le sang. A cela s’ajoute un deuxième mécanisme : les cellules de l’organisme y deviennent moins sensibles. Le pancréas s’épuise alors à fabriquer l’insuline, pour compenser cette perte de sensibilité. La production d’insuline diminue encore et le sucre s’accumule dans le sang. Les complications de cette maladie peuvent être très graves, notamment sur le cœur et les vaisseaux sanguins. La Fédération internationale du diabète estime que 463 millions d’adultes (20-79 ans) étaient atteints par cette maladie dans le monde en 2019, et ce nombre devrait atteindre 700 millions d’ici 2045. On parle d’une épidémie au niveau mondial.