Quand la sensation de froid cache une maladie
La maladie des agglutinines froides (MAF) correspond à une forme particulièrement rare d’anémie hémolytique auto-immune (AHAI). Voilà qui mérite de s’arrêter sur les mots. Anémie ? « Cela correspond à une baisse du taux des globules rouges et plus particulièrement du taux hémoglobine, le principal constituant des globules rouges et qui sert à transporter l’oxygène dans les tissus et les organes », décrit le Pr Marc Michel (Henri Mondor (APHP – Créteil). Hémolytique ? « Cela signifie que la durée de vie des globules rouges est diminuée. » Auto-immune, fait référence à une réaction de l’organisme contre lui-même. « Dans cette maladie, la diminution des globules rouges est due à la production par le patient lui-même, d’anticorps qui vont agresser ses propres globules rouges ! ». Les anticorps en question étant dans le cas présent appelés « agglutinines froides » car ils exercent leur activité essentiellement à basse température et ont la capacité d’agglutiner les globules rouges entre eux notamment dans les capillaires au niveau des extrémités (mains, pieds, nez…) à l’origine de troubles microcirculatoires (inconstants) et d’une coloration bleutée de la peau appelé « acrocyanose ».
Une maladie rare du sang
Le Pr Michel distingue deux types de symptômes principaux : « ceux liés à l’anémie, dont l’intensité varie selon le niveau de baisse de l’hémoglobine. Ces symptômes correspondent à un état de fatigue anormal, une pâleur, une fatigabilité et/ou un essoufflement à l’effort ainsi que des palpitations ». A ces signes peuvent s’associer des « troubles microcirculatoires potentiellement invalidants et douloureux, déclenchés par des variations de température à la baisse ». Au point dans de très rares cas, d’entraîner des lésions de type nécrose cutanée aux extrémités. « La survenue de ces troubles circulatoires doit vraiment alerter », insiste le Pr Michel dont le service est le Centre de référence des Cytopénies auto-immunes de l’adulte, incluant la MAF. Et comme tous les centres experts, celui-ci est décliné en centres de compétences, pour une prise en charge harmonisée à l’échelle du territoire national.
Une fatigue extrême
Sylvie, 66 ans, a été diagnostiquée en décembre 2016. Passionnée de randonnée, de trekking en haute montagne et de ski, elle concède « n’avoir rien vu venir. Une forte fatigue certes en randonnée qui m’a contrainte à redescendre. Puis l’apparition de réactions au froid et aux changements de température, qui ont tout précipité ». Au quotidien, elle décrit surtout une « fatigue extrême, pas de forces au niveau des jambes, un cœur qui s’emballe, des maux de tête, des acouphènes. Plus il fait froid, plus je m’écroule. » Et une vie qui bascule entre adaptations et restrictions. « Lorsqu’il fait moins de 10°C, je ne mets pas un pied dehors sinon je vois apparaître une couleur bleutée au niveau de mon nez et de mes doigts. Avec une telle douleur que je ne peux même plus poser un pied par terre ou taper mon numéro de carte bancaire, je vis un confinement imposé chaque hiver ». Même constat en cas de changement de température, « si je passe par exemple de 25°C chez moi à 20°C dehors » !
Résultat, quand elle doit se rendre à l’extérieur, elle ressort ses vêtements techniques de trekking, s’équipe de gants et autre gilet chauffants, d’écharpes, de caleçons. Elle évite les supermarchés trop frais, lave ses légumes à l’eau tiède, se chauffe les mains au sèche-cheveux après s’être brossé les dents. Une vie de contraintes et d’isolement, « très handicapante sur le plan social. D’autant plus que les gens ne comprennent pas l’ampleur du handicap. Ils trouvent que j’exagère. Mais non ! J’aimerais davantage d’empathie ».
Un espoir thérapeutiqeue
« De nouveaux traitements ont pour vocation d’intervenir en aval pour bloquer tout un système de protéines (appelées protéines du complément) qui s’active en cascade en présence de l’autoanticorps et qui est responsable de la destruction accélérée et prématurée des globules rouges et donc de l’anémie hémolytique », reprend le Pr Michel. Lequel concède toutefois « que ce type de traitement n’a pas vocation à traiter les troubles microcirculatoires ».
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