Animaux de compagnie en Ehpad : bénéfique pour les résidents mais de nombreuses questions
Que pensez-vous de cette mesure permettant aux résidents d’accueillir leur animal de compagnie en Ehpad ?
Dr. Odile Reynaud-Levy : C’est une décision qui paraît tout à fait logique dans la mesure où les Ehpad sont assimilés aux domiciles des résidents. Le fait de ne pas pouvoir se rendre en institution avec son animal peut être un frein à l’entrée des personnes dans ces structures ; on le constate régulièrement. Il n’est déjà pas facile de se rendre en institution, alors devoir laisser derrière soit son chien ou son chat est un déchirement supplémentaire. Sur le plan affectif, cela peut avoir un impact important. J’ai en tête l’exemple récent d’une résidente obligée de se séparer de son chat qui a développé un syndrome dépressif. Ce fut très dur pour elle, et elle n’est pas seule à connaître cette souffrance.
Cette mesure semble toutefois difficile à faire appliquer et on attend encore l’arrêté du ministère pour en connaître précisément les contours.
L’idée est très bonne, mais concrètement, comment fait-on ? Premièrement, alors qu’on manque de personnel pour s’occuper comme on le souhaiterait de nos résidents, qui s’occupera des animaux, changera les litières… ? Alors que plus de la moitié des demandes d’entrée en institution est motivée par des troubles cognitifs, le reste l’est pour des troubles de la marche, des problèmes locomoteurs, qui sortira l’animal et s’occupera de lui correctement, l’emmènera chez le vétérinaire ? Quid des institutions ne disposant pas de jardin ? Qui s’occupera de l’animal au décès du résident ? L’Ehpad, c’est à la fois un domicile personnel et un lieu de vie collectif. Une double fonction qui impose un certain nombre de règles et précautions. De nombreuses questions restent pour l’heure en suspens.
Pourtant, pour les résidents, vous jugez l’idée très bonne. Pourquoi ?
Un animal maintient un lien affectif. Plusieurs études montrent le bénéfice du chien chez les personnes âgées encore à domicile. Promener le chien est un excellent prétexte pour que la personne âgée continue à sortir. A l’extérieur, le chien contribue à maintenir le lien social, les enfants s’arrêtent pour le caresser, les adultes qui ont aussi un chien vont poser des questions. Le lien affectif qui se noue entre la personne âgée et l’animal est solide. L’animal permet d’apaiser les syndromes anxieux, de maintenir les afférences.
C’est-à-dire ?
Les afférences, ce sont ces signaux qui permettent à notre système nerveux central d’être connecté au monde extérieur, via les capteurs sensoriels. Le simple fait de caresser l’animal, de recevoir de l’affection de sa part, cela maintient ces afférences. Ces stimuli provenant du monde extérieur entretiennent un fonctionnement harmonieux du système nerveux. En institution, on observe fréquemment le syndrome de désafférentation émotionnelle. Les résidents ne reçoivent plus de sensation agréable de l’extérieur et cela peut générer des replis sur soi, des syndromes dépressifs, des syndromes anxio-dépressifs. Des troubles que la présence d’un animal contribue à prévenir.
Et sur le plan cognitif ?
Prendre soin d’un animal pousse à faire attention à lui. Il faut être observateur, réfléchir, anticiper, programmer des actions… C’est très bénéfique.
Il existe d’ailleurs des thérapies assistées par l’animal dans certains Ehpad.
Absolument. Et on sait les bénéfices de ces thérapies pour les résidents pour toutes les raisons que je viens de citer. Des zoothérapeutes se rendent en Ehpad avec des animaux qui ont l’habitude de ce public. Une interaction se met en place, les résidents caressent les animaux, jouent avec eux.
Comment s’en inspirer ?
Selon moi, avant la rédaction de l’arrêté sur l’accueil des animaux de compagnie, il faudrait réaliser en amont une étude avec des Ehpad pilotes et volontaires. Cela pourrait consister à promouvoir la zoothérapie en introduisant des animaux dans les institutions et étudier, concrètement, la manière dont cela se déroule. Quelles sont les difficultés et comment les résoud-on ? Et, après cette phase de test, avec des solutions, il sera ensuite possible de prévoir la mise en place de la mesure. Car j’en suis certaine, les solutions existent.