Insuffisance rénale : quand une dialyse est-elle nécessaire ?
Renaloo, l’association des malades du rein a porté plainte contre un établissement de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Des praticiens sont en effet soupçonnés d’avoir réalisé des dialyses abusives sur des patients qui souffraient d’insuffisance rénale aiguë.
Pour rappel, à la différence de l’insuffisance rénale chronique, progressive et irréversible, l’insuffisance rénale aiguë est une atteinte brutale et réversible de la fonction rénale. Elle est due notamment à une infection, une hémorragie, une intoxication médicamenteuse ou l’obstruction des voies urinaires (calculs, adénome prostatique, etc.). Le diabète et l’hypertension sont les deux causes principales de l’insuffisance rénale chronique.
« Quand les reins ne fonctionnent plus, il y a dans le sang une accumulation de toxines qu’on appelle les toxines urémiques. Celles-ci peuvent avoir un retentissement sur le fonctionnement de tous les organes, en premier lieu le cœur, les vaisseaux et le cerveau, et des complications aigues peuvent entraîner un décès », précise le Pr Thierry Lobbedez, néphrologue et chef de service au CHU de Caen, contacté par Destination Santé.
La dialyse dans le cadre d’insuffisance rénale chronique
La dialyse est l’un des traitements de l’insuffisance rénale, visant à épurer le sang. Le dispositif agit à la place des reins afin de filtrer le sang, le nettoyer des toxines et autres déchets non éliminés. Elle permet en outre de rééquilibrer la répartition de l’eau et des autres substances dans l’organisme. « Dans le cadre d’une insuffisance rénale chronique, dans laquelle la fonction des reins se détériore progressivement, on prépare le patient à une possible dialyse tout en essayant le plus possible de favoriser la greffe sans passer par la case dialyse (meilleure qualité de vie et augmentation de l’espérance de vie de 4 ans, ndlr). Cette décision est donc prise de manière programmée, avant que ne surviennent des complications aigues qui pourraient remettre en jeu le pronostic vital », explique le néphrologue.
La perte progressive de la fonction rénale est définie par stade. La dialyse survient au stade terminal, le stade 5. « Ainsi, on peut atteindre une perte de plus de 90 % de la fonction rénale avant de mettre en place une dialyse », complète le Pr Lobbedez.
La dialyse lors d’une insuffisance rénale aiguë
Dans le cadre d’une insuffisance rénale aiguë, la dialyse peut être administrée en urgence. « Elle est parfois nécessaire en fonction de critères stricts. Une dialyse peut aussi être indiquée en l’absence de récupération de la fonction rénale ou s’il y a un risque d’aggravation de la situation du patient », résume le spécialiste.
Parmi ces critères stricts, on retrouve, l’hyperkaliémie (concentration trop importante de potassium dans le sang). D’autres symptômes aigus, comme l’œdème pulmonaire ou encore l’acidose nécessitent une dialyse si d’autres traitements ne se sont pas montrés efficaces.
Alors que le risque de complications brutales liées à la dialyse est faible dans le cadre d’une insuffisance rénale chronique, il est plus élevé pour un patient qui souffre d’une insuffisance rénale aiguë. En cause, l’état général du patient. « Si celui-ci souffre d’une insuffisance rénale aiguë – affection mortelle dans près d’un cas sur deux -, c’est qu’un événement grave l’a causée. Le patient peut ne pas être stable du fait de ce contexte et de la gravité de la maladie », pointe le Pr Lobbedez.
Dans ce contexte, précise-t-il, l’hémodialyse (filtration du sang à travers une membrane artificielle), plus simple techniquement à poser, est préférée en urgence à la dialyse péritonéale. Dans cette dernière technique, le sang est traité sans passer par un circuit extérieur mais via le péritoine, un filtre naturel. « L’hémodialyse est techniquement plus pratique dans un contexte d’urgence. On insert un cathéter dans une grosse veine, la veine jugulaire ou fémorale. C’est par là que le sang sera prélevé avant d’être filtré ».
Le recours à une dialyse dans le cas d’une insuffisance rénale aiguë est normalement transitoire, en attendant que la cause soit traitée, que le patient soit stabilisé et récupère sa fonction rénale. « Toutefois, un patient sur trois, voire un sur deux ne récupère pas ou garde de graves séquelles. Certains patients restent alors en dialyse à vie », conclut le spécialiste.
A noter : en France, en 2021, parmi les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique terminale, 51 325 étaient dialysées ; 41 210 étaient greffés.